Ce 23 mai, Mahamat Idriss Deby totalise une année en tant que président de la République. Sa gestion est vertement critiquée dans cet interview par Badono Daigou, président de l’Union des écologistes tchadiens (UET/Les Verts) et membre du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP).
Après la conduite de la transition entamée en avril 2021, Mahamat Idriss Deby Itno, remporte la présidentielle organisée le 6 mai 2024, devenant ainsi le président de la République. Quel regard portez-vous sur la 1ère année de sa gouvernance ?
Il y a un an que monsieur Mahamat Idriss Deby Itno est devenu un président de fait. Quand on arrive au pouvoir de la sorte, il est difficile qu’on gouverne pour le peuple. Tout ce qu’il a posé comme acte a été fait dans le but de consolider, de se maintenir au pouvoir.
Au cours de cette année cauchemardesque, les Tchadiens et les Tchadiennes ont vécu et continuent de vivre les pires moments de leur existence : l’insécurité est endémique, la corruption, les détournements des fonds publics, les nominations sur des bases confessionnelles, claniques et régionalistes.
Vous notez rien de positif?
Les promesses électoralistes qu’on savait être des farces sont restées lettres mortes.
Il faut se dire que monsieur Mahamat Idriss Deby Itno n’a pas été formé pour un jour être démocrate. Non, il ne pose que des actes d’un autocrate qui a pour seul but la confiscation du pouvoir. Dans ces conditions, il est difficile qu’on parle d’une gouvernance orientée vers le bien-être des populations. On nous parle des douze chantiers ! Allez nous dire, lequel d’entre eux est réellement en début d’exécution.
Ce que nous observons réellement, c’est la mise en place de son système qui lui permettra de contrôler le Tchad dans les années à venir :
-l’Assemblée nationale dans laquelle ne siège aucun député élu, mais plutôt des hommes et des femmes désignés par ses soins pour le servir. Dans ces conditions, pensez-vous que des lois seront votés au profit du peuple et du Tchad ? Il est permis d’en fermement douter.
– un SENAT dont les membres sont doublement désignés. Ceux qui sont supposés être élus et ceux désignés dans le quota du président.
Lire aussi : Ephéméride : il y a un an, Mahamat Idriss Déby Itno prêtait serment comme le premier président de la 5ème République
En somme, une institution monocolore qui a pour mission d’asseoir la décentralisation. On va vers un échec. Des communes dirigées par ses partisans ; des conseils provinciaux aux mains de sa famille politique ; une armée clanique aux mille généraux ; en violation de sa propre Constitution, il est devenu président d’un parti politique. Donc, il est un président partisan. Puisqu’il est tenu de privilégier ses camarades du MPS.
Et, en dernière date, il est en train en toute illégitimité de mettre en place un cadre de dialogue pour embastiller et contrôler les partis politiques.
Il serait difficile aujourd’hui de citer une seule réforme entreprise par monsieur Mahamat Idriss Deby Itno pour démocratiser la société tchadienne, seule voie pour améliorer la gouvernance. Au lieu de cela, il ne pose que des actes susceptibles de lui permettre de s’éterniser au pouvoir.
Sur le plan africain, Mahamat Idriss Deby, semble afficher un leadership exemplaire. Qu’en dites-vous ?
Pour endormir le peuple du Tchad et s’attirer la sympathie des Africains, il s’est autoproclamé panafricain et souverainiste au mépris des innombrables défis que vivent les Tchadiens. Un souverainiste qui se soigne à l’extérieur, qui fait appel à l’extérieur pour le soutenir militairement et financièrement. C’est du vent, il offre aux yeux du monde une image enjolivée du Tchad, alors qu’à l’intérieur la vérité est toute autre : pauvreté, misère, insécurité, injustice, corruption, détournements, impunité…
Sa gouvernance s’est construite autour des élections truquées dont les résultats n’ont reçu aucune validation du peuple seul arbitre qui décerne la légitimité. Toutes les institutions qui sont issues de ces élections souffrent d’un déficit de légitimité. Dans ces conditions, il est difficile de parler d’une gouvernance de quelque façon que ce soit. Le modèle de gouvernance tchadien est non à reconstruire, mais à créer.
A vous entendre, tout va mal. Comment faire pour remettre le pays sur le bon chemin ?
Il n’y a pas mille solutions pour s’orienter vers la bonne gouvernance. Il y a qu’une seule alternative, la démocratie intégrale. Pas de demie mesure ou des faux-fuyants. Déjà qu’on n’était pas sur le bon chemin, pour parler d’une remise du pays sur la bonne voie.
Pendant une trentaine d’années, le MPS et Deby père ont déstructuré le Tchad. Deby fils, avec l’aide du MPS et de quelques anciens opposants cachés qui ont révélé leur nature aux Tchadiens, a fini par ôter le peu d’espoir qui reste quant à la possibilité de voir le Tchad se démocratiser.
Lire aussi : Tchad : un an après l’investiture de Mahamat Idriss Déby Itno, quel bilan ?
On ne gouverne pas un pays seulement pour le bien de sa famille, son clan, son ethnie ou de ceux qui ont voté pour vous. Des solutions pour la démocratisation de la société tchadienne, il y en a : un dialogue national qui comprend tous les segments de la société tchadienne sans exclusion ; une Constitution au service de tous et non écrite pour un homme ; une gouvernance inclusive : (cohésion sociale, justice sociale, lutte contre l’injustice, l’impunité, la corruption, la gabegie financière, les nominations à base clanique, confessionnel etc.) ; des élections justes et transparentes dont les résultats sont crédibles, acceptables par tous ;une armée véritablement nationale.
Pour remettre le Tchad sur la bonne voie, il faut un travail titanesque de tous les Tchadiens et ceci de façon inclusive. Il faut une approche participative incluant les Tchadiens d’en haut et ceux d’en bas.