En observant les statistiques actuelles et antérieures, plusieurs failles chroniques et le taux de réussite dans certains pays de la sous-région, on en vient à questionner la crédibilité et la compétitivité du bac, cet examen censé ouvrir les portes du monde.

Après de longues semaines d’attente angoissante, les élèves ayant composé le baccalauréat session 2022 viennent de connaître le verdict du jury présidé par Andjaffa Djaldi Simon. Comme toujours, il y a des heureux (les admis) et beaucoup de malheureux (les non admis et/ou les admissibles). Les statistiques dévoilées par l’Office national des examens et concours du supérieur (ONECS) donnent 35,86% d’admis d’office et 26 % d’admissibles pour les 13 séries confondues  (A4, AA, AB, C, CA, D, DA, E, G1, G1A, G2, G2A et G3).

Comparé à la session 2021, qui a enregistré un effectif total de 97 022 candidats pour un taux de réussite global de 46,35 %, l’on note une augmentation de 893 du nombre de candidats cette année. Cette année comme en 2021, la série C arabe a obtenu le meilleur taux de réussite (75 %  et 86,05 %). Globalement, ces deux dernières années, les séries arabes ont les taux de réussite les plus élevés.

Si, en 2021, le système tchadien a produit, au total, 44 967 bacheliers, ce chiffre pourrait augmenter cette année, rien qu’à voir la tendance induite par les statistiques, en raison de la régularité de l’année scolaire qui, on peut le penser, pourrait avoir permis d’épuiser les programmes de cours. Malgré qu’elles ont été jalonnées de diverses perturbations (manifestations politiques ayant perturbé le déroulement des cours), et hormis le creux de l’année 2020 (perturbée par le coronavirus), ces quatre dernières années, le taux de réussite au baccalauréat est constant (46,35 % en 2021, 38,52 % en 2020, 45,12 % en 2019, 38,63% en 2018). Et ceci, sous réserve du taux global de cette année.

Il faut noter non sans s’interroger qu’au Tchad, le taux de réussite au baccalauréat a connu un bond curieux et jusque-là inexpliqué en 2018 en atteignant subitement les 38,63% alors qu’il était de 26,83 % en 2017 et 22,10 % en 2016. Depuis lors, il ne cesse de grimper en flèche sans une amélioration notable dans tout le système d’enseignement.   

Un tour dans la partie francophone de la sous-région CEMAC et au Niger, un pays limitrophe du Tchad, lui aussi francophone, permet, en parcourant leurs pourcentages de réussite au baccalauréat 2021, de classer le Tchad troisième derrière le Cameroun ; le Gabon ayant eu le plus fort taux avec 77,38 % (ce qui donne : Gabon : 77,38 %, Cameroun : 73,37 %, Tchad : 46,35 %, Congo : 35,74 %, Centrafrique : 21,53 %, Niger : 22,75 %).

On peut en déduire que le taux de réussite au baccalauréat tchadien, même s’il n’a pas toujours [ou encore] atteint la moyenne de 50 %, est mieux que celui de certains pays francophones les plus proches. Mais cela suffit-il pour rendre crédible et compétitif cet examen terminant les études secondaires dans un système scolaire visiblement l’un des plus ternes ? Les précédentes statistiques et plusieurs autres faits chroniques permettent de donner des réponses mitigées.

Si ce n’est cette année que les établissements scolaires ont fonctionné sans encombre, le taux de réussite au baccalauréat fait fi de graves problèmes qui freinent le développement de l’école tchadienne. Grèves à répétition des enseignants et des élèves ; enseignement au rabais ; pléthore d’enseignants n’ayant pas de niveau ; insuffisance d’enseignants scientifiques ; affectations fantaisistes des enseignants ; absences répétées, non justifiées et/ou non sanctionnées des enseignants et élèves ; non accomplissement des programmes de cours ; absence de suivi pédagogique ; admission monnayée en classes supérieures ; manque de structures adéquates et de matériels didactiques ; fuites et achats des sujets à la veille et pendant la composition ; cas de substitution (un candidat qui compose à la place d’un autre) lors des épreuves ; absence de contrôle ou contrôle complaisant dans certains centres d’examen ; sujets trop faciles pour certaines séries ; tricheries à outrance ; bilinguisme politique au lieu d’un bilinguisme de mérite, etc. Telle est la longue liste des maux qui discréditent le baccalauréat tchadien qui, malgré tout, attire, mais là aussi pour sa facilité, des candidats étrangers, venant pour la plupart du Cameroun, après avoir essuyé des échecs dans leurs pays.

Tout cela parce qu’il semble que, par un truchement politique, le système scolaire tchadien est devenu une grande fabrique de clients pour les institutions privées de formation professionnelle et supérieure, de véritables industries de commerce, qui exercent dans un laisser-aller total en se moquant éperdument de la rigueur et du mérite. L’argent, le passage et le « diplôme », point barre.

A cause de cet état de fait, la pyramide de niveau de l’école tchadienne se présente sous la forme d’un toit de type parasol : la base indique une réussite massive au baccalauréat et le sommet un nombre insignifiant d’étudiants ayant brillamment terminé. Que le grand nombre de diplômés qui se déversent sur le marché d’emploi chaque année ne trompe pas : une fois dans la vie active, beaucoup se montrent indignes de leurs diplômes.

Mais comme les Tchadiens aspirent au changement, l’école ne saurait demeurer une fabrique de cancres. Il faut que l’ONECS, qui valide presque tous les dossiers provenant des établissements scolaires, travaille à mettre en évidence la médiocrité de notre système scolaire. S’il a l’habitude de publier les noms des meilleurs candidats, dominés étrangement par ceux des séries arabophones (pour la session 2020, ce sont 7 arabophones contre 5 francophones), il doit aller plus loin en publiant, outre les statistiques globales, les statistiques par province et par établissement comme cela se fait dans les pays sérieux. Cela pourra permettre d’identifier les défaillances de l’enseignement dans les provinces et établissements ayant les taux les plus bas. Aussi, il doit instaurer un filtre pour tamiser les élèves n’ayant pas de niveau ou ayant usé des moyens illégaux pour candidater.