YAOUNDE, 28 mars (Xinhua) — Les huit pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) ont adopté, au terme d’une réunion d’urgence tenue la semaine dernière à Yaoundé, la capitale camerounaise, un Plan d’extrême urgence de lutte anti-braconnage (PEXULAB) dans la zone septentrionale du Cameroun, du Nord et du Sud-ouest de la République centrafricaine, et le Sud du Tchad.

Doté d’un budget de 2,3 milliards USD, le PEXULAB vise à stopper sans délai l’abattage illégal des éléphants en Afrique centrale, qui alimente le commerce international illégal de l’ivoire, en menaçant la paix, la sécurité ainsi que la biodiversité dans cette région.

La mise en oeuvre du PEXULAB prévoit « l’établissement d’un commandement militaire conjoint, avec un système de partage et d’analyse d’information en temps réel et la mobilisation de toutes les forces de défense et de sécurité des Etats concernés, en appui aux brigades de lutte anti-braconnage existantes ».

Dans cette même optique, est prévu l’envoi d’une mission diplomatique au Soudan et au Sud Soudan, « les pays d’origine des braconniers » d’après World Wildlife Fund (WWF), une ONG mondiale chargée de la protection de la nature et de l’environnement.

Il s’agit pour cette mission d’inviter ces deux pays à soutenir les efforts des pays de la CEEAC, « en criminalisant l’infraction de braconnage et en sensibilisant leurs citoyens sur les conséquences de ce phénomène».

La nécessité d’élaborer le PEXULAB est apparue au regard de la nature transnationale et internationale du braconnage, afin d’appuyer les initiatives prises au niveau de chaque pays.

Par exemple, le Cameroun a adopté un plan d’action d’urgence pour lutter contre le braconnage dans le parc national de Bouba Ndjidda, dans la région de l’Extrême-nord.

« Ce plan doté de 125 milliards de FCFA (environ 250 millions USD) sur cinq ans prévoit le recrutement de nouveaux éco-gardes, la formation, l’équipement et le quadrillage du terrain », précise le ministère camerounais des Forêts et de la Faune.

Mais, reconnaît la déclaration adoptée par les ministres de la CEEAC en charge des Affaires étrangères, de Défense, de Sécurité, d’Intégration régionale et de la protection de la Faune au terme du conclave de Yaoundé, les initiatives nationales ont montré leur incapacité à « neutraliser ces réseaux illicites transnationaux ».

Une étude publiée dans le journal en ligne PLOS ONE montre qu’en Afrique centrale, 62% des éléphants de forêts ont été abattus pour leur ivoire au cours des dix dernières années.

« Le braconnage des éléphants a atteint son pire niveau depuis une décennie», corrobore le rapport publié en 2012 par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

En presque 10 ans, environ 11 000 des 40 000 éléphants du parc national de Minkébé au nord du Gabon ont été décimés, selon une étude de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN).

Et l’année 2012 a été particulièrement noire pour les éléphants d’Afrique centrale. D’après WWF, plus de 200 pachydermes ont été abattus dans le parc national de Bouba Ndjidda au Cameroun, 22 en République démocratique du Congo (RDC) et 30 au Tchad.

L’activité des braconniers menace d’extinction d’ici 2025 la population des éléphants de toute l’Afrique centrale que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) évaluait en 2007 entre 160 000 et 2160 000.

« L’analyse confirme ce que les défenseurs de la nature craignent : une tendance rapide vers l’extinction des éléphants de forêt dans la prochaine décennie », indique Dr. Samantha Strindberg de Wildlife Conservation Society (WCS), l’un des auteurs principaux de l’étude sus citée.

Dr George Wittemyer, de Save the Elephants et de l’université d’Etat du Colorado aux Etats-Unis, déplore « la disparition rapide de l’une des espèces les plus charismatiques et intelligentes de la Planète».

« Distinct de l’éléphant de savane d’Afrique, d’après WWF, l’éléphant de forêt d’Afrique est considéré (..) comme une espèce à part qui joue un rôle vital pour le maintien de la biodiversité de l’une des forêts tropicales les plus importantes sur Terre».

C’est la fin de la demande de l’ivoire dans des pays comme la Thaïlande (considérée par l’ONG Traffic comme l’un des plus grands marchés non réglementés du monde) qui assurera la survie des éléphants d’Afrique centrale », soutient Bas Huijbregts, qui coordonne la campagne WWF contre le commerce illégal d’espèces sauvages en Afrique centrale.

Les pays de la CEEAC « se félicitent donc de la décision de la Thaïlande d’interdire le commerce de l’ivoire ».

Mais pour l’heure ce commerce illicite prospère sur le marché noir asiatique, où le prix d’achat du kilogramme d’ivoire avoisine actuellement 2000 USD. Une embellie des prix qui stimule le trafic d’ivoire et par ricochet l’abattage des éléphants.

D’après le rapport publié en décembre par WWF, le braconnage brasse aujourd’hui un chiffre d’affaire de 19 milliards USD, se classant ainsi 4è marché illégal du monde après la drogue, la fausse monnaie et le commerce des êtres humains.