Comme beaucoup de pays situés au cœur du continent africain, le Tchad peine à fluidifier ses échanges commerciaux avec le reste du continent africain. Etant enclavé sans débouché sur la mer et avec un transport aérien quasi-inexistant, le pays dépend à 90% des ports maritimes des pays voisins comme le Nigéria, le Cameroun et le Soudan pour l’exportation de ses matières premières et l’importation des produits manufacturés. Cette situation n’est pas sans conséquence sur son économie, déjà trop dépendante des matières premières.
Le défi des échanges transfrontaliers
Avec des voies terrestres dégradées et dans certaines parties frontalières, inexistantes et l’inexistence des réseaux ferroviaires qui relient les grandes villes du Tchad aux frontières voisines, les trajets vers les ports des pays voisins deviennent de plus en plus pénibles et périlleuses pour les transits des marchandises dont dépendent des marchés tchadiens.
D’après le syndicat des transporteurs et transitaires tchadiens, pour un transit terrestre des marchandises du port de Lagos au Nigéria vers N’Djamena, long seulement de près de 1.800Km, par exemple, le transport dure entre 8 à 12 jours.
Cette problématique de commerce transfrontalier dont est confronté le Tchad est accentuée par les taxes de transports et des postes de contrôles imposées par les pays voisins tout au long des trajets. Par exemple, pour un corridor N’Djamena – Douala, long seulement de 1.500Km, on dénombre environ 60 postes de contrôles et des taxes.
D’après une récente étude de la Banque africaine de développement, publiée en avril 2019, quelques 4.995 camions qui transitent chaque mois sur ce corridor Douala-N’Djamena versent chacun entre 3.500 et 5.500 FCFA à chaque poste et à chaque transit, soit entre 17,4 millions et 27,4 millions francs CFA par mois.
Au-delà des tracasseries de transport et des taxes routières vers les ports lointains, les opérateurs économiques tchadiens sont aussi souvent confrontés à la fermeture des frontières terrestres des pays voisins dont dépendent les importations et les exportations du Tchad. Des décisions qui sont souvent motivées, soit par des situations sécuritaires, soit des raisons économiques et politiques.
Le libre-échange continental, une aubaine pour le désenclavement
Le lancement officiel de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et sa ratification par au moins 22 pays, a été accueilli comme une lueur d’espoir pour l’économie tchadienne qui a tant souffert depuis des décennies des taxes sur les échanges transfrontaliers à cause de la situation géographie du pays.
Cette initiative africaine qui tende vers la suppression des droits de douane sur la plupart des marchandises, ôter les obstacles non tarifaires freinant les échanges commerciaux inter-régionaux et de créer un marché unique continental où la main d’œuvre et les capitaux circuleront librement, devrait permettre au Tchad de désenclaver son économie et de profiter des installations portuaires des autres pays ayant ouverture sur la mer.
Avec plus de 100 millions de têtes de bétails et une superficie de terre agricole estimée à 39 millions d’hectares, le pays peut rapidement devenir l’un des grands exportateurs des produits agroalimentaires dans la zone de libre-échange continentale africaine. Le Tchad pourra ainsi ouvrir ses marchés aux produits manufacturés des pays mieux industrialisés du continent et exporter facilement ses matières premières vers ceux-ci en attendant d’acquérir des compétences et des installations industrielles pour la transformation surplace de ses produits animaliers et agricoles.
Conscient des solutions qu’apporte cette initiative africaine au désenclavement économique du pays, le Tchad a été l’un des tout premiers Etats du continent à avoir signé et ratifié l’Accord-cadre sur la ZLECAF et à ajuster ses législations nationales pour se conformer aux nouveaux mécanismes d’intégration intracontinentale. L’espoir du développement économique du Tchad est désormais lié à l’entrée en vigueur effectif de la ZLECAF.
Mahamat RAMADANE, journaliste économique