La Semaine Nationale de la Femme Tchadienne s’est clôturée le 8 mars, en même temps que la transition politique avec l’installation officielle du Sénat. Une coïncidence qui illustre un changement profond à tous les niveaux. Un renouvellement s’opère, visible notamment à travers une nouvelle garde féminine qui prend sa place dans le paysage politique, économique et institutionnel du pays. Ces femmes intelligentes, audacieuses et stratèges ne veulent plus être cantonnées à des rôles secondaires. Elles sont prêtes à peser de tout leur poids dans le quinquennat qui commence.

Une génération qui rompt avec l’ancienne

Contrairement à leurs devancières, cette nouvelle génération ne doit pas son ascension à des jeux de pouvoir, à des liens népotiques ou à des compromis tacites à quelques exceptions près. Elles ont conquis leur place par leur compétence, leur travail acharné et leur capacité à insuffler une dynamique nouvelle. Dans un contexte où l’exécutif tchadien se régénère, elles sont plus nombreuses que jamais, mieux outillées et prêtes à se surpasser. Nous avons choisi de mettre en lumière 12 d’entre elles +1, des figures montantes qui, chacune dans son domaine, redéfinissent les codes du leadership féminin au Tchad.

Politique et institutions : des stratèges au cœur du pouvoir

Neloum Mbaigoto

Neloum Mbaigoto, juriste chevronnée et stratège institutionnelle, s’est imposée comme une voix incontournable dans les hautes sphères de l’État. Son rôle clé au Conseil National de Transition, sa contribution à l’élaboration de la Constitution et son engagement politique au MPS, qu’elle vient de faire triompher dans le 7e arrondissement de N’Djamena, bastion de l’opposition, illustrent sa montée en puissance. Députée élue, elle pourrait rapidement se retrouver au cœur des décisions parlementaires, soit comme rapporteur, soit à la tête d’une commission stratégique.

Hapsita Djibrine Assali

Hapsita Djibrine Assali, nouvelle députée, incarne cette capacité à allier engagement politique et gestion administrative. Ancienne Directrice des Ressources Humaines de l’ADETIC et membre de la Commission de Contrôle des Élections, son ascension n’a rien d’un hasard. Fille d’un grand leader syndical, elle a grandi dans la culture du combat et n’entend pas faire de la figuration à l’Assemblée nationale.

Zenaba Abakar Kaila

Dans la haute administration, Zenaba Abakar Kaila illustre rigueur et excellence institutionnelle. Diplômée de l’INSP (ex-ENA) en France, elle a occupé plusieurs postes de haut niveau, notamment Directrice Adjointe de Cabinet du Premier ministre poste qu’elle occupe toujours et Chef de Bureau du SGP à la Présidence. Elle a appris aux côtés des grands commis de l’État, tel que Kalzeubet Debet, Limane Mahamat,… et tout porte à croire qu’elle marchera dans leurs pas.

Entrepreneuriat et économie : des femmes d’affaires audacieuses

Bara Deneram Marina

Dans le secteur privé, Bara Deneram Marina, Directrice des Ressources Humaines chez Star Oil, s’impose dans un domaine largement dominé par les hommes. Juriste et spécialiste des assurances, elle ne s’est pas arrêtée là : elle a fondé son propre parti politique, le PTPAS, avec l’ambition d’incarner une nouvelle voix dans l’opposition. Marina n’est pas là pour faire de la figuration, elle veut changer la donne dans un paysage politique atone.

Tatiana Demba Djibao

Tatiana Demba Djibao, Présidente de l’Émergence pour le Développement du Tchad (EDT), est une autre figure marquante de cette dynamique. Membre de la coalition ayant soutenu Mahamat Idriss Deby Itno à la présidentielle, elle a tenté sans succès une entrée au Parlement. Mais elle n’a pas dit son dernier mot. Son sens de la stratégie et son ambition affichée en font une actrice à suivre de près.

Loubna Matar

Loubna Matar, architecte-urbaniste et présidente de la Jeune Initiative Économique du Tchad (JIET), incarne une nouvelle approche du développement urbain et économique. Avec une vision avant-gardiste et une expertise internationale, elle fait partie des visages qui redéfinissent le paysage économique tchadien. Le projet ambitieux qu’elle dirige vise à imposer l’entrepreneuriat jeune dans un environnement encore dominé par des hommes d’un autre âge. La JIET est partie pour prendre le taureau par les cornes.

Un vent frais au sein de l’hémicyle et des collectivités locales

Sénatrice Amouna Ali Sougui

Si le Sénat a été critiqué pour sa moyenne d’âge élevée, il compte cependant des exceptions prometteuses, à l’image de Amouna Ali Sougui, jeune sénatrice et figure montante du leadership féminin. Ancienne Directrice Générale Adjointe de l’ANATS et membre du Présidium du DNIS, la dame au masque s’engage à porter haut la voix des jeunes et des femmes au sein de la chambre haute.

Narebaye Taryem Nadifa

Dans les collectivités locales, Narebaye Taryem Nadifa, élue municipale du 6e arrondissement et membre de la mairie centrale de N’Djamena, incarne l’engagement politique de terrain. Créatrice de la page Facebook people et lifestyle “La Beauté Tchadienne”, elle prouve que la communication et la politique peuvent être de puissants leviers d’influence. Militante infatiguable du MPS, voici venu pour elle l’heure de la consécration. Cette native du Mandoul est partie pour faire son trou politique.

Maïmouna Abdelkerim Adam Koulbou

Le combat pour la cause féminine, mené avec finesse, discrétion et efficacité, est incarné par Maïmouna Abdelkerim Adam Koulbou, Directrice Générale de la Maison Nationale de la Femme. Elle joue un rôle central dans la promotion des droits des femmes et leur autonomisation économique, déployant des efforts constants, malgré des moyens limités, voire inexistants. La discrétion est son trait de caractère, mais derrière ce silence, se cache une gestionnaire rigoureuse et méticuleuse, formée à l’UQAM (Université du Québec à Montréal). Son sérieux et sa crédibilité inspirent confiance aux partenaires, à l’image de l’ambassade d’Angleterre au Tchad, de celle de la France et de l’Union Européenne, qui ont tous annoncé leur engagement aux côtés de la Maison de la Femme pour faire avancer la cause féminine au Tchad.

Médias et communication : une voix qui compte

Sitina Abdelmadjid Hassan Haggar

Écrivaine et entrepreneure, Sitina Abdelmadjid Hassan Haggar a fait une entrée remarquée dans l’arène politique en devenant Rapporteur Générale 3ème adjointe à la Direction Nationale de Campagne de la Coalition pour Un Tchad Uni sous la bannière du MPS. Son dynamisme et sa proximité avec la nouvelle génération du parti au pouvoir font d’elle une figure montante du MPS rénové.

Allahtaroum Ghislaine

Allahtaroum Ghislaine, quant à elle, est devenue l’une des références du journalisme tchadien. Présentatrice vedette et rédactrice en chef adjointe de Tchadinfos, sa voix est devenue incontournable dans le paysage médiatique. Elle façonne l’opinion publique et impose une nouvelle norme pour les femmes dans les médias, qui ne se contentent plus de couvrir l’actualité, mais l’influencent activement.

Députée Mariam Achene

Mariam Achene, nouvelle députée du MPS pour le département de Mongo dans le Guera, représente une génération décomplexée, qui ne craint pas d’affronter le débat public. Ancienne journaliste, passée par l’ONAMA et plusieurs institutions de communication, elle est connue pour son franc-parler et sa détermination. Takilal n’a qu’à bien se tenir, il ne sera pas le seul à dénoncer ou défendre des causes qui en valent la peine.

(Bonus) Armée et sécurité : une femme en passe d’entrer dans l’histoire

Colonel Sarla Samandjou Tato

Dans l’armée, Sarla Samandjou Tato est sur le point de marquer l’histoire. Première femme à intégrer le Groupement des écoles militaires interarmées (GEMIA), elle a gravi les échelons pour devenir Colonel. Son parcours exceptionnel la place en lice pour devenir la troisième femme générale du Tchad. Son expérience des missions de terrain et son engagement dans la défense nationale font d’elle une figure symbolique de l’excellence au féminin dans les forces armées tchadiennes.

Une rupture avec l’ancien système

Ce vent de renouveau est aussi une réponse aux aspirations de la société tchadienne. Les citoyens sont fatigués de voir les mêmes figures politiques et administratives. Ils veulent un souffle nouveau, porté par des visages compétents et porteurs d’idées innovantes.

Ces femmes ne revendiquent pas seulement une place à la table des décisions, elles y apportent une valeur ajoutée indiscutable. Leur influence ne cesse de grandir, et avec elle, l’assurance que l’avenir du Tchad sera marqué par un leadership féminin fort, ambitieux et stratégique.

Les années à venir seront déterminantes pour cette nouvelle garde. Avec la restructuration en cours du paysage politique et économique, leur rôle sera crucial. Elles ne veulent pas seulement être visibles, elles veulent être influentes, stratégiques et porteuses de changement.

L’émergence de cette génération féminine est plus qu’une évolution, c’est une nécessité. Le Tchad de demain se construit aujourd’hui, et ces femmes comptent bien en être les architectes.