Alors que l’Europe cherche à exporter ses valeurs vers l’Afrique, la Chine mobilise sa force de frappe financière et la redoutable efficacité de ses entreprises pour changer la situation sur le terrain. 

L’engagement de la Chine en Afrique, qui répond aux besoins prioritaires des populations, est mieux perçu par les décideurs politiques africains que celui de l’Union européenne (UE), selon une enquête publiée en juin 2022 par la fondation allemande Friedrich Naumann et consultée par l’Agence Ecofin.

Réalisée auprès d’un échantillon de 1014 décideurs politiques issus de 25 pays situés dans les diverses sous-régions du continent, l’enquête montre que l’empire du Milieu obtient des scores bien supérieurs à ceux de l’UE en ce qui concerne ce que les personnes sondées considèrent comme étant des « besoins prioritaires » du continent africain, comme la construction des infrastructures, la rapidité d’achèvement des projets et la non-ingérence dans les affaires politiques internes des Etats africains.

75,2% des décideurs africains interrogés estiment que la Chine prend des décisions rapidement contre 55,8 % pour l’Union européenne, selon l’étude intitulée « Le choc des systèmes – La perception africaine de l’engagement de l’Union européenne et de la Chine » (The Clash of systems – African perception of the European Union and China engagement).

81,1% considèrent que les entreprises chinoises achèvent leurs projets dans les délais contre 69,4% pour leurs concurrentes européennes.

La Chine est aussi perçue comme le partenaire économique de l’Afrique qui contribue le plus au développement des infrastructures sur le continent (85,5 %) contre 64,2 % pour l’UE.

Lire aussi : Dette en Afrique : une étude révèle que le vrai danger vient des créanciers privés occidentaux et non de la Chine

L’étude réalisée par l’Institut kényan Inter Region Economic Network (IREN) pour le compte de Friedrich Naumann fait également ressortir que 50,1% % des décideurs interrogés pensent que les Chinois s’ingèrent dans les affaires internes des Etats africains contre 64,4% pour les Européens.

Elle révèle aussi que 55,2% des personnes sondées notent que les entreprises chinoises recourent à la corruption pour remporter des contrats en Afrique contre 32,5% pour leurs homologues européennes.

L’UE devance la Chine en matière de soutien à la croissance du secteur privé en Afrique, avec 38,7 % d’avis positifs contre 24 % pour la Chine.

Les Européens sont aussi mieux perçus par les décideurs africains pour ce qui concerne les normes sociales, l’emploi pour la main-d’œuvre sur place, les normes environnementales, la qualité des produits et des services, le traitement des Africains, le respect des droits de l’Homme et l’égalité des sexes.

Approches différentes

Globalement, les décideurs politiques africains interrogés dépeignent l’Europe comme un partenaire qui « cherche avant tout à exporter des valeurs vers l’Afrique », tandis que la Chine mobilise sa force de frappe financière et la redoutable efficacité de ses entreprises pour « changer la situation sur le terrain, avec des chemins de fer, des routes, des ponts, des ports, des barrages et des gratte-ciels ».

Sur un total de 17 indicateurs de comparaison entre l’engagement de la Chine et celui de l’UE en Afrique retenus par l’étude, les Chinois ne sont en tête que dans quatre domaines.

« Si l’UE dépasse la Chine sur la plupart des indicateurs de performance, Pékin continue de gagner du terrain en Afrique. Ce paradoxe apparent s’explique facilement : de toute évidence, les aspects de la coopération où la Chine est forte sont les plus pertinents pour les partenaires africains. La Chine se concentre sur de grands projets matériels, tandis que l’Europe se concentre sur des projets plus petits et souvent plus abstraits », souligne le fondateur et directeur général d’IREN, James Shikwati.

Lire aussi : Économie : la Chine occupe la première place dans les échanges commerciaux avec l’Afrique

Et d’ajouter : « l’UE est prisonnière de ses propres valeurs, imposant à l’Afrique sa propre vision du monde. Et ce faisant, elle n’est pas en mesure d’écouter les besoins de la population africaine. De l’autre côté, nous avons les Chinois qui se concentrent surtout sur ce que l’on appelle le matériel, c’est-à-dire les infrastructures qui peuvent transformer l’Afrique ».

« De toute évidence, les quatre indicateurs dans lesquels la Chine arrive en tête sont les plus décisifs. Sinon rien ne peut expliquer le succès des Chinois en Afrique. L’Union européenne parle de valeurs, mais si une route achevée mène à un village, c’est aussi une valeur », soutient Stefan Schott, chef de projet au sein de la fondation Friedrich Naumann.

« Nous ne conseillerons jamais de jeter par-dessus bord les valeurs européennes de démocratie, de droits de l’Homme et de durabilité. Personne ne peut le souhaiter, ce serait dommageable, cela nuirait plutôt à la position de l’Europe au final. Mais il faut tout de même examiner d’un œil critique si toutes les normes que nous fixons sont vraiment nécessaires. Si l’on peut vraiment aborder les conditions en Afrique selon les normes européennes ou si elles ne sont pas en partie exagérées », poursuit-il.

Lire aussi : Relations Chine-Afrique : 40 millions de dollars pour la formation des futurs dirigeants africains