Son nom inspire la crainte dans les commissariats et brigades de N’Djamena. Et au parquet, elle se fait connaître par sa liberté de ton. Portrait de Ronel Monodjomi Régina, 8e substitut du procureur près le tribunal de grande instance de N’Djamena.

Le 3 mars dernier, l’activiste Ahmat Haroun Larry comparaissait pour la deuxième fois (en un mois) devant le tribunal de grande instance de N’Djaména dans l’affaire qui l’opposait au maire de la ville de N’Djaména. Ali Haroun demandait à la justice de le condamner pour l’avoir « diffamé et injurié publiquement ». Dans ses vidéos postées sur Facebook, Ahmat Haroun Larry avait évoqué le manque de lumière sur la gestion des fonds de la commune en lien avec un projet d’aménagement des espaces verts lors de son deuxième passage à la tête de l’entité locale en 2014.  

Si le procès avait été très suivi et commenté sur les réseaux sociaux, au palais de justice de N’Djaména où il avait lieu, la procureure chargée de poursuivre l’activiste a marqué les esprits par sa liberté de ton.

Dans cette affaire où beaucoup d’observateurs le donnaient condamné, Ronel Monodjomi Régina, 8e substitut du procureur, a requis, à la surprise générale et pour le bonheur de l’accusé et celui de ses soutiens, la relaxe. Car, a-t-elle soutenu devant un public charmé par sa prise de position, dans un Etat démocratique, on ne peut pas poursuivre et condamner systématiquement les citoyens qui ne font qu’émettre des opinions et élever des débats sur la gestion des affaires publiques par les élus locaux. Debout face à d’autres prévenus qui attendaient de passer, eux aussi, devant les juges, elle venait de dire haut ce qu’elle voudrait que la Justice soit. Au bout de longs débats qui l’ont opposée aux avocats de l’édile local, les juges lui ont donné raison en déclarant Ahmat Haroun Larry non coupable.

Auparavant successivement substitut du procureur dans la ville de Sarh et conseillère juridique au ministère de la Communication, Ronel Monodjomi Régina, la quarantaine révolue, a été nommée 8e substitut du procureur près le tribunal de grande instance de N’Djaména par un décret du 22 octobre 2021.

Formée à l’Ecole nationale de formation judiciaire (ENFJ) après une maitrise de droit à l’Université de N’Djaména, en moins d’une année, cette procureure s’est rapidement fait connaître pour son intégrité. Dans un milieu judiciaire qui n’a pas bonne presse, elle est redoutée pour son aversion pour les basses manœuvres.

A la sortie de la salle d’audience, le 3 mars, un avocat a expliqué à quel point son nom inspirait la crainte dans les commissariats et autres brigades de la ville lorsqu’il est question d’envoyer des prévenus devant elle. « Elle ne laisse rien, aucun détail, ne fait la volonté de personne et sermonne qui elle veut lorsque la loi n’est pas respectée », confie un avocat qui s’est montré satisfait de l’issue de l’affaire Ahmat Haroun Larry. Il faut noter, pour le déplorer, que cette magistrate est la seule femme parmi les dix procureurs qui composent le parquet d’instance de la capitale.