IYAL – A N’Djamena, des collégiens s’organisent par dizaines pour louer des boîtes de nuit en journée et se taper une fête. Au menu : alcool, repas et sexe.

À Chagoua, dans le 7e arrondissement de N’Djamena, des jeunes écoliers, filles et garçons, âgés de 13 à 17 ans, font des boites de nuit et de l’alcool leurs matières favorites. Ce lundi de fin d’avril, les voici qui arrivent par petits groupes, sur des motos.

Ils sont tous encore en tenue d’école lorsqu’ils se présentent devant ce night-club. Il n’est pourtant que … 11 heures. Une fois à l’intérieur, les filles troquent leurs habits d’écoliers pour des tenues de soirée, voire de danse. Ne dit-on pas que « dans la nuit, tous les chats sont gris ? » Ici, en tout cas, personne ne reconnaît plus personne.

C’est Mbainodji Jonas*, gérant de la boite de nuit, qui nous raconte ce qui s’y passe : « Ces jeunes viennent du lundi au samedi, et ce depuis plus d’un mois déjà. » Avec son look de Snoop Dogg, il ajoute que « ces écoliers louent la boîte uniquement pour eux et rien que pour eux, à une hauteur de 130 000 francs CFA par jour. Ils achètent de l’alcool, de la nourriture et font la fête toute la journée ».

« Ils sont trop violents et impolis »

Par les temps qui courent, « ces jeunes sont les meilleurs clients de la boîte », reconnaît un collègue de Mbainodji Jonas. Problème : sous l’emprise de l’alcool, ils en profitent pour « poser des actes sexuels dans la boîte ». Et le gérant ferme les yeux. « Comme ils ont payé, on ne peut pas s’ingérer dans leur vie, et d’ailleurs ses enfants sont trop violents et impolis. Ils se croient tout permis », vocifère- t-il.

Des petites filles se croient matures parce qu’elles ont des seins.

Nénodji Marie-Ange*, vendeuse de jus d’oseille

En face de la boîte de nuit, Nénodji Marie-Ange*, une vendeuse de jus d’oseille, fait le même constat, en ngambaye :  « De nos jours, des petites filles se croient grandes et matures parce qu’elles ont des seins. Je les vois passer et entrer ici dès 9 heures du matin. »

Au Tchad, comme dans beaucoup de pays, l’alcool est pourtant interdit aux mineurs, de surcroît élèves en tenue d’école. Mais le constat sur le terrain prouve le contraire. Interrogé sur ce laisser-aller, Djekilambere André*, manager de la boîte de nuit, préfère garder le silence. Il se contente de lâcher : « Chacun a son choix dans la vie. »

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Mais la violence n’est souvent pas trop loin pendant ces journées de débauche entre amis. La semaine qui a suivi notre enquête par exemple, l’on a totalisé environ cinq bagarres. La raison ? « Ce sont les filles qui en viennent souvent aux mains, soit c’est parce qu’elles ont été invitées avec leurs rivales par un même garçon, soit c’est parce qu’elles sont saoules et voient des rivales partout », confie Mahamat Ahmat*, un client du restaurant situé dans le même complexe que la boîte de nuit.

Le gérant Mbainodji Jonas abonde dans le même sens. « Des parents viennent ici pour se plaindre parce qu’on aurait frappé leur fille à cause d’un garçon. La fois dernière, j’ai failli appeler la police pour les calmer », affirme-t-il.

Cette situation inquiète de plus en plus le milieu scolaire. Comme c’est le cas de Mariam Thérèse*, institutrice. « Il faut que les enfants soient conscients et qu’il ait également un contrôle strict dans les établissements afin de nous signaler les absences aux cours », plaide-t-elle.

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*Les noms et prénoms ont été changés pour protéger nos sources.