ANALYSE – Depuis quelques années, on assiste à une dynamique des jeunes tchadiens peu habituelle. Une course effrénée à l’entrepreneuriat. Peut-être le début d’une ère nouvelle qui va enfin révolutionner l’économie tchadienne. Mais le rêve de ces jeunes est stoppé net par une société moins entreprenante et un écosystème délétère.

Il est sans doute que l’entrepreneuriat et le secteur privé sont la locomotive d’une économie dans un pays. Les jeunes tchadiens ont bien compris cela. Ils sont pour la plupart des diplômés ou sur-diplômés avec des profils différents et des compétences diverses. En tout cas, ayant des formations qui n’ont aucun rapport avec le monde entrepreneurial. La fermeture des portes de la Fonction publique était le déclic mais les raisons sont tout autre. Ils sont poussés par la précarité, l’envie de subvenir à leur besoin, l’auto-emploi, l’autonomie ou tout simplement le désir de devenir riche. Une jeunesse libre et non-conformiste. Courageuse et bourrée d’une dose de confiance en soi. « Tout est fait pour que nous entreprenions », conseille un jeune entrepreneur en faisant allusion aux richesses du pays. En parlant des richesses, les entreprises et startups existantes ou en herbe se basent généralement sur la transformation des produits locaux (miel, tomate, gomme arabique, ail, oignon…). Mais de plus en plus dans la restauration, l’agriculture, l’élevage, la technologie, la mode, la santé, la cosmétique, l’éducation…..la liste est longue. Tous les domaines sont investis.

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Pour maîtriser leur activité, ils ne cessent de multiplier formations et coaching. Ils n’hésitent pas à participer à des compétitions nationales ou internationales. Pour les accompagner, de nouveaux métiers et même de nouvelles structures dans le domaine de l’entrepreneuriat commencent à voir le jour. On doit commencer à se familiariser avec l’usage des termes comme “coach” ou “incubateur”. Ces incubateurs sont aussi détenus par des jeunes “généreux” qui offrent la possibilité aux autres jeunes à travers des formateurs, à mettre sur pied leur entreprise ou startup. Soucieux d’inscrire le Tchad sur la “logique rwandaise”, ils organisent depuis trois ans déjà, la Semaine mondiale de l’Entrepreneuriat dont la dernière édition qui vient de s’achever a réuni 6 500 participants avec plus de 50 activités réalisées.

Les difficultés des entrepreneurs

Pour la plupart des jeunes entrepreneurs interrogés, les difficultés restent les mêmes. Le manque d’orientation, le problème de financement et le climat des affaires qui est délétère. « D’abord pour se lancer, les jeunes n’ont pas d’orientations, de guide et souvent ils choisissent le mauvais secteur où ils n’apportent rien de nouveau », constate Fatimé Hachim, détentrice d’une startup. Pour  Keynodji Ngoniri, jeune infographe et webmaster, il n’y pas de structures qui peuvent permettre aux jeunes de mieux comprendre l’environnement. « Tu fonces juste comme ça. Après, il faut admettre que l’information de qualité coûte cher au Tchad. La prospection finit tes sous » regrette-t-il. Outre ces constats, les jeunes entreprennent sans culture entrepreneuriale. Le cofondateur de l’incubateur Wenaklabs, Abdelsalam Safi appelle cela  “la crise d’initiative”.

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Le financement est une étape importante pour un entrepreneur. Pendant que les autres pays disposent des fonds d’investissement et des clubs d’investisseurs, nos autorités donnent l’impression de ne rien connaître. A ce niveau, il y a aussi une crise de confiance. Les banques et autres bailleurs ne font pas confiance aux jeunes pourtant certains portent des projets voire des entreprises fiable et prometteurs.

Enfin, le climat des affaires est d’une hostilité extraordinaire. Déjà, créer une entreprise est la chose la plus difficile. Une fois déclarée, les 2 ou 3 années sont difficiles  pour qu’elle arrive à se prendre en charge. « Et déjà déclarée, elle doit payer l’impôt et autres taxes », s’étonne Madina Gombo, jeune startupeuse. Souvent, les jeunes opèrent dans  un environnement moins réceptif à leur domaine d’activités donc ils évoluent lentement or le fisc les attend de pied ferme.

Aujourd’hui, les jeunes ont réussi à lancer la fusée de l’entrepreneuriat, rien ne peut l’arrêter. Les autorités en charge de la jeunesse, des finances ou de l’économie doivent dépasser les discours et entreprendre des initiatives qui se ressentent sur le terrain.