Me Dainonet Frédéric, membre titulaire du conseil de l’Ordre des avocats et président de la commission des droits de l’homme, répond aux questions de Tchadinfos à l’occasion de la rentrée solennelle couplée aux 25 ans du Barreau du Tchad.

TI : Quel bilan faites-vous de ces 25 ans ?

Me Dainonet Frédéric : Pour moi, il faut applaudir, le bilan est positif. Mais il y a beaucoup de choses à faire. Parce que la profession d’avocat, l’Etat de droit, restent un chantier vaste. Même dans les pays développés, ils sont toujours en chantier. La construction de l’Etat de droit n’est pas fini. Combien de fois nous qui sommes toujours doigtés, considérés comme étant un pays où le respect du droit n’est pas un acquis. Nous avons encore du chemin à faire. Je rappelle les premiers avocats exerçaient par nomination gouvernementale. Il fallait un décret pris en conseil des ministres pour libéraliser la profession d’avocat avant l’adoption de la loi 33. Avant 1996, tous les avocats qui exerçaient devraient être nommés par le gouvernement. Et ils devraient également exercer leur métier sous la coupe du procureur général. Après 96, il y a eu la création et l’indépendance de la profession d’avocat. Durant toute cette période, il y a des évolutions significatives.

TI : Quelles sont les perspectives de l’ordre des avocats du Tchad pour les années à venir ?

Me Dainonet Frédéric : On aura toujours les mêmes défis qui seront là, mais on reste toujours confiant que les avocats avec les autres acteurs judiciaires pourront véritablement instaurer dans notre pays un Etat de droit. Aujourd’hui nous avons l’intervention des acteurs internationaux sur notre scène judiciaire. Bientôt, les frontières seront ouvertes à l’intervention d’avocat étranger dans la zone CEMAC. Ceci est un défi pour l’avocat tchadien. Il faut qu’il soit à la hauteur de la concurrence qui va venir. Je suis sûr que l’avocat tchadien pourra relever ce défi.

TI : Quels sont les défis de l’Etat de droit en cette période de transition ?

Me Dainonet Frédéric : Nous restons toujours les acteurs judiciaires qui vont jouer notre rôle. Ce que nous essayons de faire en période de transition, c’est d’apporter notre pierre angulaire dans la reconstruction et la refondation du Tchad voulues par tous les Tchadiens. N’oubliez pas que nous avons traversé des moments très douloureux. Nous, en tant qu’avocats, nous voudrons que notre pays devienne effectivement un Etat de droit pas seulement dans les discours mais dans les faits. Que le Tchad puisse se sentir en sécurité, qu’il y a la justice dans ce pays, qu’il n’y ait pas de la marginalisation, que tous les Tchadiens puissent se sentir égaux. C’est notre lutte pour le Tchad de demain. C’est à travers la transition que nous sommes en train de construire le Tchad.

TI : Dans la prochaine Constitution, le président de transition Mahamat Idriss Deby Itno a annoncé que le président de la République ne doit plus être président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Est-ce que cela va changer quelque chose ?

Me Dainonet Frédéric : Le fait d’écarter le président de la République de la présidence du Conseil supérieur de la Magistrature est, justement, la marque de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir exécutif qui est dirigé par le président de la République doit être diffèrent du pouvoir judiciaire. La logique voudrait que ce ne soit pas le dirigeant du pouvoir exécutif qui préside les réunions et les nominations dans le pouvoir judiciaire. Puisque le pouvoir judiciaire doit être un contrepoids au pouvoir exécutif et législatif, donc c’est tout à fait normal.

TI : Est-ce que cela va amener le changement ou des perspectives nouvelles ?

Me Dainonet Frederic : Je pense que la question devrait être plutôt posée aux magistrats. Car le Conseil Supérieur de la Magistrature réunit les magistrats. C’est leur moral, leur intégrité qui est mise en cause à travers le retrait du président de la République. Donc la balle est dans leur camp. Nous allons les accompagner pour la transparence, pour la justice, pour le bien-être de nos concitoyens. Nous sommes prêts, mais il revient à eux de jouer le vrai match dans cette réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Je leur pose la question : Est-ce qu’ils veulent travailler justement pour que la justice fonctionne au service du citoyen ? Ou est-ce qu’ils veulent continuer toujours dans ce qui ne marche pas ?