BEIJING, 6 octobre (Xinhua) — La Chinoise Tu Youyou, co-lauréate du prix Nobel de médecine 2015 avec l’Irlandais William Campbell et le Japonais Satoshi Omura, a remporté lundi ce prix prestigieux pour ses travaux sur l’artémisinine, une molécule tirée du qinghao (armoise annuelle), une plante chinoise qui, utilisée avec d’autres antipaludéens, est devenue aujourd’hui le remède de premier choix contre le paludisme.

Grâce à Mme Tu, une académicienne spécialiste en médecine traditionnelle chinoise aujourd’hui âgée de 85 ans, cette “herbe miraculeuse de l’Orient” a permis de sauver des millions de vies en Afrique et dans le monde.

LA DECOUVERTE DE L’ARTEMISININE

Une résistance aux précédentes générations de médicaments comme la chloroquine s’est généralisée au cours des années 1960. Dans ces circonstances, le gouvernement chinois a initié en 1967 un projet visant à trouver un nouveau remède au paludisme.

En 1969, Mme Tu a été nommée chef de ce projet. C’est alors qu’elle a commencé à combiner des techniques modernes avec la médecine traditionnelle chinoise pour trouver une thérapie efficace contre le paludisme.

Après avoir trouvé 380 extraits provenant de 2.000 remèdes potentiels, Mme Tu et ses collègues ont obtenu un principe actif nommé qinghaosu, connue sous le nom d’artémisinine en 1972.

Une combinaison de médicaments à base d’artémisinine constitue aujourd’hui le traitement classique contre le paludisme. L’artémisinine et ses dérivés figurent sur la liste des médicaments essentiels établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

UN MEDICAMENT EFFICACE CONTRE LE PALUDISME

Un tournant est survenu en l’an 2000 dans la lutte contre ce fléau mondial, grâce à l’emploi de cette thérapie, en association avec d’autres éléments antipaludiques, principalement en Afrique subsaharienne.

Le nombre de décès dus au paludisme a considérablement diminué depuis 2000 et le nombre de cas d’infection est également en diminution constante, avait annoncé l’OMS dans un rapport sur le paludisme publié en 2014. Entre 2000 et 2013, le taux de mortalité palustre a diminué de 47% dans le monde et de 54% en Afrique, où surviennent près de 90% des décès par paludisme.

Selon des experts, le médicament antipaludique chinois est plus efficace, moins toxique et mieux toléré par les malades, 95% des parasites de type Plasmodium présents dans le sang étant tués dans les 24 heures suivant l’administration de la dose indiquée.

Ces dernières années, le gouvernement chinois a offert quantité de médicaments antipaludiques à base d’artémisinine à des pays africains gravement affectés par le paludisme.

L’Ordre des pharmaciens de la République démocratique du Congo (RDC) se dit ainsi très satisfait du produit découvert par Mme Tu. Prince Patrice Masoso, secrétaire général du syndicat national des pharmaciens de la RDC, a confié lundi à Xinhua que “la combinaison artéméther-luméfantrine est l’une des combinaisons qui est conseillée par l’OMS et l’une des combinaisons que notre pays a adoptée pour prendre en charge les personnes qui souffrent du paludisme”.

“Ces médicaments sont venus au moment où la chloroquine avait prouvé son inefficacité”, a déclaré le Dr Timothé Guilavogui, épidémiologiste et coordonnateur adjoint du programme national de lutte contre le paludisme en Guinée.

Dans une interview accordée à Xinhua lundi à Conakry (Guinée), il a estimé que la découverte d’une telle molécule est venue répondre à un problème de santé lié au paludisme, car, a-t-il dit, tout enfant dans les pays en développement qui accède à ces médicaments peut guérir à 100%.

LA CRAINTE D’UNE RESISTANCE A L’ARTEMISININE

Ce qui est à craindre, c’est que le paludisme développe une résistance à l’artémisinine. Dans le rapport de l’OMS sur le paludisme dans le monde en 2014, une résistance à l’artémisinine a en effet été décelée dans cinq pays de la sous-région du Grand Mékong et des données insuffisantes sur la transmission du paludisme continuent d’entraver les efforts pour réduire la charge de la maladie.

Si la résistance à l’artémisinine progresse et gagne d’autres régions géographiques étendues, les conséquences pour la santé publique pourraient être très graves, car aucun autre antipaludique de substitution ne sera disponible avant au moins cinq ans, a averti l’OMS, qui préconise par conséquent une surveillance systématique de la résistance aux médicaments antipaludiques.

Le paludisme est causé par un parasite, le Plasmodium, transmis par les moustiques anophèles qui en sont porteurs. Il se manifeste par de la fièvre, des maux de tête, des douleurs articulaires et des vomissements. Ces symptômes apparaissent généralement dix à quinze jours après la piqûre de moustique. En l’absence de traitement, le paludisme peut entraîner un décès rapide par les troubles circulatoires qu’il provoque.

Selon les derniers chiffres de l’OMS, en 2013, la maladie a tué 584.000 personnes, dont la plupart étaient des enfants africains. En 2014, 97 pays étaient confrontés à une transmission continue du paludisme.

Les principales mesures de lutte contre le paludisme prévoient le traitement par des combinaisons de médicaments contenant de l’artémisinine, l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide et la pulvérisation d’insecticide à effet rémanent à l’intérieur des habitations pour exterminer ou éloigner les moustiques vecteurs de la maladie.