Le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Tchadiens de l’Etranger, Amine Abba Sidiki, a fait une déclaration, au nom du Maréchal du Tchad, Idriss Déby Itno, au cours de la 75ème Assemblée générale des Nations Unies. C’était le vendredi 25 septembre 2020 par visioconférence. Voici l’intégralité de la déclaration :

« Avant tout propos, je voudrais féliciter le Président de la 75ème Session de l’Assemblée Générale, Son Excellence l’Ambassadeur VOLKAN BOSKIR, dont l’élection intervient dans ce contexte particulièrement difficile de la pandémie du Covid-19 et l’assurer du soutien total de mon pays pour mener à bien son mandat.

Par la même occasion, j’adresse mes vifs remerciements à Son Excellence Monsieur TIDJANI MUHAMMAD-BANDE, Président sortant, qui a su mener à bien sa mission, en dépit de l’irruption inattendue de la pandémie qui a dû impacter sur son agenda de travail.

Qu’il me soit permis de rendre un vibrant hommage à Son Excellence Monsieur ANTONIO GUTERRES, Secrétaire Général des Nations Unies, pour son leadership avisé et sa gestion de la crise en cette période difficile.

Je saisis l’opportunité pour féliciter le Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé, Son Excellence Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus et tous ses collaborateurs, pour le travail remarquable qu’ils fournissent pour lutter au quotidien contre cette pandémie. Les leçons tirées de cette pandémie nous donne l’occasion de repenser nos systèmes sanitaires. Aussi, l’OMS doit-elle s’adapter, en termes de moyens de prévention et de lutte contre la survenance de telles pandémies à l’avenir.

Je tiens à saluer le leadership de Son Excellence Matamela Cyril Ramaphosa, Président de la République Sud-africaine et Président de l’Union Africaine, et la Commission de l’Union Africaine, qui ont su mettre en place une stratégie continentale de riposte contre la pandémie par la prise à temps des mesures visant, entre autres, l’approvisionnement groupé en fournitures médicales pour les Etats membres, la sauvegarde de l’économie africaine et la recherche du vaccin contre le COVID-19.

Excellences ;

Mesdames, Messieurs 

Le format révisé du débat général de cette année est la parfaite illustration, s’il en faut, de l’ampleur des bouleversements dans le monde, occasionnés par la pandémie du COVID 19, qui continue hélas à sévir. Cet ennemi invisible et implacable a non seulement causé d’énormes dégâts humains, il a également profondément impacté tous les aspects de la vie économique et sociale, mettant à rude épreuve nos capacités de réaction à l’échelle nationale et mondiale.

Le thème fort pertinent de cette Session, « L’avenir que nous voulons, l’ONU dont nous avons besoin : réaffirmons notre engagement collectif en faveur du multilatéralisme – faire face au COVID-19 grâce à une action multilatérale efficace », souligne parfaitement l’importance que chacun d’entre nous devra accorder à la coopération internationale et au multilatéralisme, en tant que moyens irremplaçables pour relever les grands défis communs tels que les pandémies, le dérèglement climatique, le terrorisme, la pauvreté et les inégalités, pour ne citer que ceux-là.

La crise du COVID-19 a montré notre faiblesse commune et en même temps démontré la nécessité que seuls des efforts collectifs renforcés permettront de mieux appréhender et surmonter les défis globaux, pour l’intérêt de chacun et de tous.

C’est l’occasion, pour la grande famille des Nations, en ce moment de célébration du 75ème anniversaire de notre Organisation, et dans le contexte particulier actuel, de réaffirmer la place centrale de l’Organisation des Nations Unies et le rôle primordial du multilatéralisme dans les relations internationales.

C’est le lieu également de souligner l’urgence absolue du renforcement du multilatéralisme, par la réforme de la gouvernance mondiale rudement mise à l’épreuve pendant cette période, en vue de son adaptation au monde d’aujourd’hui, pour mieux affronter et résoudre les défis actuels et à venir.

Le Tchad souligne l’impérieuse nécessité d’une coopération internationale accrue à travers une solidarité agissante envers les plus vulnérables, les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral, les petits Etats insulaires en développement, afin que les promesses de la Charte des Nations Unies soient pleinement réalisées et que le but ultime du Programme de développement durable à l’horizon 2030 « de ne laisser personne de côté » soit une réalité et non encore une énième promesse non tenue.

Excellences ;

Mesdames, Messieurs 

Le monde entier subit en ce moment les dégâts de la pandémie du COVID-19, mais la capacité d’y faire face varie. Les pays en développement, en particulier les pays africains, du fait de leurs multiples fragilités structurelles, sont plus exposés aux conséquences fâcheuses de ce fléau.
Le Tchad, pays sahélien enclavé, déjà en butte à une multitude de chocs, subi de plein fouet les multiples répercussions de cette pandémie sur les divers aspects de la vie nationale. Ses priorités nationales s’en trouvent bouleversées et les ressources limitées de l’Etat ont dû être réorientées pour faire face en premier, aux urgences sanitaire, humanitaire et socioéconomique.

Comme dans d’autres pays partageant les mêmes conditions, la situation socio-économique est inquiétante au Tchad. La croissance pour l’année en cours a été revue à la baisse ; le déficit budgétaire s’est creusé ; plusieurs centaines de milliers de travailleurs se sont retrouvés en situation de chômage technique ; la vie des ménages s’est retrouvée considérablement affectée ; les données macroéconomiques de l’année 2021 ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices. Les capacités de l’Etat à mettre en œuvre les actions de développement découlant du Plan National de Développement du Tchad 2017-2021, considéré comme le principal levier de la mise en œuvre des Agendas internationaux, en particulier le Plan Décennal de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine et l’Agenda 2030 des Nations Unies, se trouvent affaiblies.

Ce Plan National de Développement du Tchad qui a été fortement soutenu par les donateurs lors de sa présentation à la Table Ronde de Paris en 2017, n’a pas reçu les résultats escomptés, à cause de la faible mobilisation des ressources attendues. Aussi, pour appuyer le Gouvernement dans ses efforts visant à promouvoir son développement durable, la tenue des promesses faites pour son financement est-elle vitale pour le Tchad qui élabore en ce moment le second Plan National de Développement 2022 – 2026.

Excellences ;

Mesdames, Messieurs 

L’année dernière, à la 74ème session de l’Assemblée générale, faut-il le rappeler, nous avions évalué les progrès enregistrés et les énormes lacunes qui subsistaient dans la mise en œuvre de nos engagements pris dans le cadre de l’Agenda 2030 en termes d’éradication de l’extrême pauvreté, d’accès à l’éducation de qualité, de lutte contre les changements climatiques, de réduction des inégalités et d’inclusion.

En Afrique en particulier, le gap en matière de financement du développement durable est énorme. Les promesses contenues dans le Programme de développement durable et le Programme d’Action d’Addis Abeba n’ont pas été réalisées.

C’est l’occasion de souligner que sans une action vigoureuse de la part de toutes les parties prenantes, la probabilité est forte que le pari commun des Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 ne soit pas tenu à terme. C’est pourquoi, la Décennie d’Action est capitale pour passer de la parole à l’action afin de mobiliser les ressources requises et accélérer la mise en œuvre de cet Agenda.

La Communauté internationale et en particulier l’ONU, doivent renforcer l’élan et décupler les efforts pour que la question du développement du Continent africain qui renferme le plus grand nombre de pays les moins avancés, soit placée au cœur des préoccupations internationales, à travers des actions concrètes traduisant cet engagement. Seule une implication accrue de l’ONU dont le leadership est plus que jamais crucial, et un engagement renouvelé de toutes les parties prenantes, permettront d’impulser la dynamique décisive requise pour mobiliser les ressources nécessaires à la réalisation des promesses de l’Agenda 2030 et accompagner ceux qui sont déjà sur la trajectoire de réaliser les 17 Objectifs de développement durable.

A cet égard, il convient de rappeler que la dette en constituait déjà un handicap majeur que la pandémie est venue accentuer. Comme l’a noté la Banque Africaine de Développement, près de 50 millions de personnes supplémentaires risqueraient de basculer dans l’extrême pauvreté en Afrique 2020. En outre, les pertes de l’Afrique résultant de la pandémie atteindront plusieurs centaines de milliards de dollars entre 2020 et 2021. Beaucoup d’Etats seraient alors amenés à emprunter, aggravant davantage le fardeau de la dette.

Au regard de l’ampleur des défis à relever et des besoins multisectoriels présents et à venir, le Tchad appelle une fois de plus à l’annulation pure et simple de la dette extérieure des pays africains pour leur permettre de mener à bien la riposte contre le COVID -19 et d’avoir plus de marges de manœuvre pour s’atteler à la reconstruction socio-économique post- COVID-19, sur des bases plus solides.

Excellences ;

Mesdames, Messieurs 

Au moment où le monde fait face au Coronavirus, le terrorisme continue à sévir sur le terrain en Afrique, notamment dans le Bassin du Lac Tchad et la région sahélo-saharienne, faisant au quotidien des victimes innocentes et compromettant gravement les efforts de développement des pays de la région.

Tel était le cas de la meurtrière attaque perpétrée par Boko Haram, le 23 mars 2020, contre les Forces de Défense et de Sécurité du Tchad à Boma dans la Province du Lac. Une riposte vigoureuse a été lancée par nos Forces, ayant permis de nettoyer les Iles du Lac Tchad des éléments terroristes de Boko Haram.

Mais nous ne nous faisons pas d’illusion. La menace terroriste ne disparaitra pas du jour au lendemain. Nous continuerons à rester vigilants et engagés jusqu’au retour définitif de la sécurité dans les zones affectées, par l’éradication du péril terroriste.

Dans ce contexte, nous soulignons une fois de plus que la responsabilité de la lutte contre le terrorisme au Sahel et au Lac Tchad est également mondiale, car le combat que nous menons participe des efforts globaux pour la paix et la sécurité internationale.

C’est pourquoi, nous renouvelons notre appel à la Communauté internationale pour des appuis plus accrus et soutenus à la Force Multinationale Mixte dans le Bassin du Lac Tchad et la Force Conjointe du G5 Sahel mises en place par les pays de la région pour la lutte contre Boko Haram et les groupes Djihadistes au Sahel.

Si la situation au Sahel ne s’améliore pas malgré la multiplication des initiatives et des annonces des partenaires, l’une des principales raisons réside dans la non-concrétisation des promesses faites en faveur de la Force conjointe du G5 Sahel et du Programme d’Investissement Prioritaire du G5 Sahel.

A cela s’ajoute le faible niveau de synergie entre les différentes initiatives et forces présentes au Sahel. C’est pourquoi, nous considérons qu’il est temps de passer de la parole aux actes au Sahel par la matérialisation des contributions promises et la mobilisation des ressources additionnelles pour rendre pleinement opérationnelle la Force Conjointe et la mise en œuvre des projets de développement du Programme d’Investissement Prioritaire du G5 Sahel.

Nos Etats ont consenti des efforts propres considérables en dépit de leurs maigres ressources. Nous avons certes bénéficié des soutiens multiformes des partenaires bilatéraux et multilatéraux envers lesquels nous exprimons une fois de plus notre sincère gratitude. Mais au regard de l’ampleur des défis, un appui international constant et conséquent est indispensable.
C’est le lieu de réitérer une fois de plus notre appel au Conseil de Sécurité en faveur de la mise sous Chapitre VII de la Charte de l’ONU de la Force Conjointe du G5 Sahel afin de lui assurer un financement pérenne et prévisible.

Par ailleurs, nous saluons le lancement de la « Coalition pour le Sahel », convenue entre les pays du G5 Sahel et leurs partenaires en vue de mutualiser les efforts et mobiliser les ressources pour lutter contre le terrorisme.

A cet égard, il importe de continuer à œuvrer au renforcement de la mise en cohérence des objectifs et actions de toutes les initiatives en faveur du G5 Sahel afin de répondre plus efficacement aux défis et de produire des résultats palpables sur le terrain, en termes de sécurité et de développement.

Excellences ;

Mesdames, Messieurs 
Sur la question du changement climatique, le Tchad, pays sahélien soumis aux effets néfastes de cette menace existentielle qui affecte fortement les secteurs qui sont à la base de son économie, demeure attaché à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le Climat.

Dans cette perspective, l’urgence dans la mise en œuvre des mesures adoptées dans le cadre du financement de la lutte contre le changement climatique, notamment celles visant la mobilisation des ressources substantielles en faveur des pays en développement, n’est plus à démontrer.

Excellences ;

Mesdames, Messieurs 

Au plan international, nous nous félicitons du cessez-le-feu en Libye, déclaré simultanément par le Président du Conseil Présidentiel du Gouvernement d’Entente Nationale et le Président de la Chambre des Représentants. Le Tchad renouvelle son appel au Conseil de Sécurité à prendre toutes ses responsabilités pour mettre un terme aux ingérences extérieures. Il exhorte une fois de plus toutes les parties prenantes libyennes au respect du cessez-le-feu, et à s’engager résolument dans un processus de négociations inclusives devant conduire à une véritable réconciliation nationale.

Concernant le Soudan, le Tchad salue la signature le 31 août 2020 à Juba d’un Accord de Paix entre les parties soudanaises, grâce aux efforts de médiation, dont le Tchad est partie prenante, sous la conduite du Président Salva Kiir Mayardit, de la République du Soudan du Sud, dont je salue l’implication personnelle.

Le Tchad invite les autres mouvements armés à rejoindre le processus, afin de parvenir à une paix globale et durable dont le peuple soudanais a grandement besoin.

S’agissant de la tension autour du Grand Barrage de la Renaissance en Ethiopie, le Tchad appelle les Gouvernements frères d’Egypte, de l’Ethiopie et du Soudan à continuer à privilégier le dialogue pour parvenir à une solution négociée, sous l’égide de l’Union Africaine.

Pour ce qui est de la situation en Palestine, le Tchad se réjouit de l’Accord intervenu entre Israël et les Emirats Arabes Unis, qui prévoit notamment la suspension de l’annexion de certaines parties de la Cisjordanie. Il se réjouit aussi de l’Accord avec l’Etat de Bahreïn. Le Tchad réaffirme son attachement à la solution à deux Etats dans leurs frontières d’avant juin 1967, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et de l’Initiative de paix arabe de 2002.

Concernant l’embargo imposé sur Cuba, le Tchad réitère son appel pour sa levée définitive.

Excellences ;

Mesdames, Messieurs 

« L’ONU dont nous avons besoin » doit répondre aux aspirations de tous les Etats membres. L’Afrique doit avoir toute sa place dans cet organe décisionnel des Nations Unies. Les disputes sur la réforme de l’ONU et celle du Conseil de Sécurité nous paraissent interminables alors que les défis nous pressent.

Il est temps que la justice et l’équité soient rétablies pour l’Afrique. Dans cette perspective, le Tchad reste attaché à la position commune africaine articulée dans le « Consensus d’Ezulwini ».
Je souhaite plein succès à nos travaux.
Je vous remercie de votre aimable attention. »