Une trentaine de personnes massacrées en l’espace de deux semaines à Abéché dans le Ouaddaï et à Sandana (province du Moyen-Chari), le premier flic tchadien qui se fait tirer dessus en plein jour dans la capitale, etc. Les Tchadiens s’interrogent sur leur sécurité et sur la construction d’un Etat de droit et d’une nation.
Maïbogo, Chokoyan, Sandana (1 et 2), Abéché, Narmbanga…Impossible de citer toutes ces localités tchadiennes où le sang ne cesse de couler ces dernières années. Dans certains cas, ce sont les forces de défense et de sécurité, chargées de protéger les citoyens et leurs biens, qui les mitraillent en justifiant ces tueries par la restauration de l’ordre.
Dans d’autres cas, ce sont des conflits intercommunautaires instrumentalisés qui endeuillent les familles. Les paysans et pasteurs qui vivaient jadis en paix se regardent désormais en chien de faïence. Pire, il y a une nouvelle race d’éleveurs tout-puissants composés d’administrateurs civils et militaires qui s’érigent en juges et parties. Ils sont prompts à arrêter arbitrairement les paysans, à les emprisonner, à les amender fortement, à arracher de leurs mains même les couteaux de cuisine, gourdins et autres sagaies. Dans le même temps, ils donnent des fusils à leurs bouviers. Ceux-ci, bien armés et protégés, déversent impunément les troupeaux dans les champs. Les agriculteurs qui osent chasser ces bêtes sont pris à partie, massacrés impunément.
Tous les temps, la police et la gendarmerie brandissent à l’opinion les armes qu’elles récupèrent. Les fouilles sélectives s’intensifient dans certains quartiers et zones. Qui sont donc ceux qui peuvent porter gaillardement les armes et s’en servir pour tuer comme dans un jeu vidéo alors que d’autres sont soumis à des fouilles incessantes et agaçantes ? Comme un symbole, même le premier flic a été victime d’une tentative d’assassinat en plein jour à N’Djamena.
Le Tchad ressemble à une poudrière. Les injustices sont criantes. L’Etat de droit n’est pas loin d’être un mythe. Les rancœurs sont tenaces. Les actes de vendetta sont quotidiens. Des clans et communautés pour lesquels la vengeance est un acte de bravoure, d’honneur défient en plein jour l’autorité de l’Etat. Des magistrats sont agressés ou tués au sein de ce symbole qu’est le palais de justice, des individus en procès sont même extraits par leurs proches armés.
Aujourd’hui, cette injustice caractérisée, ce manque d’autorité de l’Etat amènent des groupes à assassiner leurs « concitoyens » comme des rats. Les messages qui circulent après les massacres d’Abéché et de Sandana sont inquiétants pour cet Etat de droit, cette nation à construire. Les autorités de la transition, avec à leur tête le PCMT, dont la sécurité des Tchadiens est l’une des justifications de la prise de pouvoir, sont interpellées au plus haut point. Car il est inimaginable de construire un Tchad uni et en paix tant que certains auront le droit de tuer et les autres le « devoir » de se faire massacrer.