En prélude au dialogue national, maintes fois reporté, le Comité national d’organisation de ladite rencontre organise une série de conférences-débats. La première, placée sous le thème : « la démocratie au Tchad : état des lieux et défis » s’est déroulée le 30 mai à N’Djamena.   

« La démocratie au Tchad n’a pas commencé en 1990 ( prise du pouvoir par Deby père, ndlr). Le Tchad a connu une vie démocratique bien avant. A l’indépendance, le Tchad vivait une vie politique démocratique animée par quelques partis. C’est en janvier 1962 que le président Tombalbaye a érigé un parti unique. C’est ainsi que la démocratie a été décapitée pour la première fois », explique Dr Ramadji Alfred, analyste politique.

En 1990, poursuit-il, il y a eu une restauration de la démocratie, qui va se révéler « beaucoup plus  autoritaire ». Sous Deby père, il y a eu 6 élections présidentielles, soit contestées, soit boycottées par l’opposition.

Depuis l’indépendance en 1960, observe Dr Ahmed Djidda, enseignant-chercheur et homme politique, dès qu’il y a un verrouillage du système politique, il s’organise une résistance. Entre 1963-1965, il y a le Front pour la libération nationale du Tchad (Frolinat) qui fait son apparition, et une opposition armée s’est installée pour favoriser le coup d’Etat de 1975.  « On avait voulu avoir une période stable. Mais ce n’était possible parce que les gens ont pris goût à la contestation.  Ils voulaient avoir plus davantage. Chacun avait son armée et ses forces. Il y avait un multipartisme militarisé ».

Pour l’historien Laldjim Narcisse, l’ère démocratique au Tchad a pris ses racines avant l’accession du pays à l’indépendance.« C’est d’abord au congrès des intellectuels africains d’octobre 1946. Après 46, il y a eu le Parti progressiste tchadien, section locale du rassemblement démocratique africain  (PPT-RDA) qui a été créé en 1947 par Gabriel Lisette qui était un Antillais, l’Union démocratique tchadien (UDT), le Mouvement socialiste africain (MSA). En janvier 1962, Tombalbaye a dissous les partis pour dire qu’il faut cimenter, consolider l’unité nationale. Il a basculé dans la dictature. Il y a eu la création du Frolinat au Soudan (…) le mécontentement a grandi et on a assisté à sa chute en 1975 », complète-t-il.

Il s’est multiplié des mouvements malheureux comme la guerre civile de 1979, le régime de terreur de Hissène Habré. La rébellion de Deby et compagnie a coïncidé avec le vent de l’est avec la dislocation de l’Union soviétique, et le discours de la Baule de Mitterrand (20 juin 1990), qui appelle les pays africains à instaurer la démocratie. Deby prend le pouvoir en 1990 et instaure la démocratie.

La Conférence nationale souveraine de 1993 censée réconcilier les Tchadiens accouche d’une Charte qui n’a pas été appliquée comme il se le doit, déplore Laldjim Narcisse.

D’après l’historien, la démocratie tchadienne a encore du chemin à faire. «Elle est balbutiante. Il y a beaucoup de défis à relever comme une alternance apaisée au pouvoir.  Il faut instaurer la justice avec des répartitions équitables des ressources du pays. Il faut toujours dégager le consensus. Mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il faut instaurer une gouvernance vertueuse avec la gestion transparente des ressources. Il faut être au service du peuple », lance-t-il.