Il y a un an, le Conseil militaire de transition (CMT), autorisait effectivement, à certaines conditions, les manifestations. Me Olivier Gouara, avocat au Barreau du Tchad, explique les dispositions juridiques relatives à l’autorisation et à l’encadrement desdites manifestations.

Le 7 mai 2021, dans un communiqué, les autorités de la transition rappelaient à l’opinion publique que les manifestations pacifiques sont autorisées. En plus d’une autorisation préalable à écrire, au moins 5 jours avant la date demandée, les organisations des marches doivent, notamment, signer un engagement auprès du ministère de la Sécurité publique, afin d’éviter tout trouble à l’ordre public.

Me Olivier Gouara, avocat au Barreau du Tchad, indique que le droit de manifester est l’une des libertés fondamentales. « Elle est reconnue et consacrée par les différentes Constitutions du Tchad qui se sont succédées depuis 1996. Maintenant, avec la Charte de transition, la dernière Constitution de 2018 était suspendue. Au même moment que la dissolution du gouvernement et du parlement. Cette Charte consacre également les libertés fondamentales mais elle ne dit pas expressément le droit de manifestation. Qu’à cela ne tienne, cette Charte renvoie quand-même aux dispositions de la Constitution. Notamment les lois et règlements qui restent applicables tant qu’ils ne sont pas contraires à la ladite Charte », explique-t-il.

Dans les arrêtés d’autorisation et/ou d’interdiction des marches, le ministère de la Sécurité publique se réfère aux dispositions du décret n°193 du 6 novembre 1962. « Ce décret le dit clairement. Préalablement, il faut requérir l’autorisation du ministère de l’Intérieur, garant de l’ordre public. Ce décret dit également qu’en cas de refus, il doit être motivé ».

Lorsque le refus n’est pas justifié, en ce moment-là, la partie qui demande à manifester peut saisir le juge qui va décider si telle ou telle partie a raison ou pas.

Au regard du décret n°193, recadre Me Olivier Gouara, demander une autorisation est la seule condition. Donc, exiger la signature  d’un engagement des organisateurs est une « aberration ». « Cet engagement veut dire quoi ? C’est un engagement à réparer les dégâts qui surviendraient, éventuellement, s’il y avait des casses ? Mais là, ça ne relève plus du ministère de l’Intérieur. Parce que les personnes qui auront subi un préjudice du fait de ces marches pourront éventuellement poursuivre les organisateurs de cette marche. D’ailleurs, les responsables de cette marche ne seront responsables que civilement. Et non pénalement. C’est un rajout du ministère », souligne-t-il,  concédant que situer l’itinéraire à suivre est une organisation du ministère de l’Intérieur. « Parce qu’on ne peut se permettre de marcher sur toutes les voies.  Le ministère apprécie souverainement l’itinéraire à donner aux organisateurs de la marche ».   

A certains acteurs politiques et de la société civile qui jugent caduc le décret de 1962, Me Gouara tranche qu’il faudrait, avant, qu’il y ait une nouvelle disposition, un acte règlementaire ou une loi contraire. « Tant qu’il n’y a pas de nouvelle loi, ce décret subsiste sinon on sera dans un vide juridique ».

L’avocat conclut que la température de la démocratie se mesure grâce aux libertés fondamentales reconnues aux citoyens.  « Les citoyens ont le droit de porter leur voix et de dire simplement qu’ils ne sont pas contents. Dans les grandes démocraties, il y a tous les jours des manifestations. Cela n’empêche pas que les gouvernements continuent à fonctionner. Souvent il y a des débordements, des dommages collatéraux. A ce moment-là, chacun engage sa responsabilité personnelle vis-à-vis de la loi. Il faut laisser les gens marcher ».