Nommé ce 2 mai dans le gouvernement de transition que dirige Pahimi Padacké Albert, Acheikh Ibn Oumar, en tant que ministre d’Etat chargé de la Réconciliation Nationale et du Dialogue, aura fort à faire.

C’est tout un symbole. Pendant cette période trouble qui succède au décès du président Idriss Déby Itno, le Conseil militaire de transition (CMT) a pris le pouvoir. Mais cela n’est pas du goût de tout le monde. Une bonne partie de la société tchadienne dénonce ce qu’elle qualifie de « coup d’Etat ». Ainsi, la plupart des acteurs appellent à un dialogue national inclusif pour sortir de cette impasse. 

Ce n’est donc certainement pas un hasard si l’unique ministre d’Etat est celui de la Réconciliation nationale et du Dialogue. Un autre symbole très important, la nomination à ce portefeuille d’Acheikh Ibn Oumar, un maquisard de longue date revenu à la légalité.

En effet, ce fils du Batha, âgé de bientôt 70 ans, a un long parcours dans la rébellion avant de déposer les armes. Dirigeant du Mouvement étudiant africain en France dans les années 70, il rejoint ensuite le Front national de libération du Tchad (FROLINAT).

Après l’implosion du FROLINAT en 1979 après la première guerre civile, il quitte la tendance centrale de ce mouvement, les Forces armées populaires (FAP), dirigée par Goukouni Weddeye et rejoint le Conseil démocratique révolutionnaire (CDR), la faction d’Acyl Ahmat Akhabach. Il prend la tête du CDR en 1982, à la mort d’Akhabach.

Après avoir disputé pendant de longues années la tête du GUNT (Gouvernement d’union nationale de transition) pendant qu’Hissène Habré était au pouvoir, Acheik Ibn Oumar négocie avec Hissène Habré et regagne la capitale en novembre 1988. En mars  1989, il est nommé ministre des Relations extérieures jusqu’à la chute d’Habré.

A la prise du pouvoir par Idriss Déby, il est fait conseiller spécial du président de 1990 à 1991 puis ambassadeur aux Etats-Unis et haut-représentant auprès des Nations-Unies. Il rompt avec Déby en 1994 et quitte le pays. Il tisse des liens avec certains mouvements rebelles puis son mouvement, le CDR, s’associe à beaucoup d’autres.

Acheik est nommé en 2004 coordinateur de l’Union des forces du changement, une coalition de mouvements rebelles. Ensuite, ce mouvement intègre l’Union des forces démocratiques pour le développement de Mahamat Nouri et Acheik est le numéro 2 du mouvement. En 2007, il quitte l’UFDD pour former, avec d’autres factions, l’UFDD-Fondamentale.  Son mouvement deviendra par la suite membre de l’Union des forces de la résistance (UFR).

Mais l’accord Tchad-Soudan signé en 2010 signera le démantèlement des forces de l’UFR basées dans ce pays voisin.   Acheikh Ibn Oumar se retrouve donc en France comme réfugié politique. Mais il va contribuer à la formation du Conseil national pour la démocratie et le changement), une formation au sein de laquelle il occupera la fonction de coordinateur adjoint entre 2011 et 2014.

Acheikh rentre au Tchad à la faveur de l’amnistie générale proclamée en 2018 avec l’avènement de la 4ème République. Il a été nommé conseiller technique aux Affaires étrangères à la présidence de la République en janvier 2019.

C’est donc un « sage » mais aussi un homme qui a passé une bonne partie de sa vie dans la rébellion qui a la charge d’œuvrer pour le dialogue et la réconciliation nationale en cette période où le Tchad est à la croisée des chemins.