Un franc-parler tranchant, une trajectoire politique sinueuse et pour finir une mission colossale. Gassim Cherif Mahamat, fraîchement nommé porte-parole du gouvernement dans le second gouvernement d’Allah Maye Halina, incarne une génération d’acteurs politiques engagés dont l’histoire personnelle épouse les tumultes de la politique.
Natif du Barh El Ghazal, ce journaliste de formation a fait ses classes à l’Office National de Radio et Télévision avant d’embrasser le combat politico-militaire. Ancien rebelle passé par plusieurs mouvements armés, il est l’un des signataires de l’Accord de Paix de Doha, qui a scellé le retour des exilés politiques dans un Tchad en quête de stabilité. Son engagement pour la réconciliation nationale lui a valu un siège au Conseil National de Transition (CNT), où il a exercé comme 7ᵉ vice-président et rapporteur général de la Commission Défense, Sécurité, Paix et Réconciliation. À la tête du Conseil de Commandement Militaire pour le Salut de la République/Renouveau (CCMSR/R), il a longtemps incarné cette dualité du combattant et du négociateur.
Mais c’est en politique que Gassim Cherif s’est fait un nom, au gré d’interventions qui ont marqué les esprits. « Quand il parle, il impose le silence et force le respect », confie un observateur averti. Son plaidoyer émouvant contre l’octroi du titre de Maréchal à Mahamat Idriss Deby Itno, estimant que son action pour la paix et le retour des exilés suffisait à sa grandeur, lui a valu autant d’admiration que d’ennemis.
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Aujourd’hui, ce jeune idéaliste de la diaspora tchadienne se retrouve face à l’une des tâches les plus ardues du moment, redonner du contenu et du sens à la communication gouvernementale. Son prédécesseur ayant laissé un poste décrédibilisé, marqué par des sorties désastreuses, il devra redéfinir le rôle de porte-parole dans un environnement où la rétention d’information est la règle et où la presse se plaint du manque d’accès aux décideurs. « Avec Gassim, nous avons enfin un interlocuteur crédible », souffle un journaliste.
Les défis sont immenses. Le gouvernement Allah Maye 2 doit regagner la confiance d’une opinion publique méfiante, tout en clarifiant une action gouvernementale souvent perçue comme floue et erratique. Avec un Premier ministre bousculé par les injonctions présidentielles et une Présidence qui peine à imposer une communication cohérente, Gassim Cherif devra jongler entre diplomatie et fermeté.
Son bagage académique, un master en journalisme à Sciences Po Toulouse et une maîtrise en relations publiques internationales, pourrait l’aider à structurer un discours cohérent. Mais ses idéaux de justice et de transparence seront-ils compatibles avec la culture du secret qui prévaut au sommet de l’État ?
Lui qui a toujours préféré la clarté à l’ambiguïté saura-t-il s’adapter aux contraintes du pouvoir sans se renier ? Son entregent et son élocution ciselée pourraient bien faire de lui l’un des visages marquants de ce gouvernement. Mais si l’homme d’État doit parfois composer avec la realpolitik, Gassim Cherif, lui, n’a jamais été du genre à avaler des couleuvres. La suite… l’histoire nous dira.