Cette année, le club Gazelle fête ses 50 ans. Cinq décennies après, retour sur la trajectoire de ce club compté parmi les géants de N’Djamena.    

« Je suis l’un des premiers joueurs de Gazelle », affirme Adam Koulbou d’un ton fort. L’homme à l’âge avancé se redresse confortablement sur un énorme tapis qu’il partage avec d’autres noms du football tchadien. Régulièrement, c’est sous cet arbre, en face de la librairie la Source, qu’ils se retrouvent pour se remémorer leurs années de gloire.  Sous son oreiller, le meilleur buteur de Gazelle FC des années 70 fait sortir délicatement une enveloppe. A l’intérieur, des photos imprimées en noir sur blanc. « Ça ce sont les premiers joueurs de Gazelle », nous présente-t-il.  

Nous sommes vers les années 70. Le Tchad cherche à bâtir une équipe nationale de football. Et la mission est confiée au directeur de la jeunesse et des sports, Idriss Mahamat Ouya. Illico, il demande à l’ambassadeur de l’Union soviétique de mettre à la disposition du Tchad trois entraineurs : football, basketball et volleyball. Ce qui fut fait.  Aussitôt à N’Djamena, le technicien de l’URSS s’est mis au travail. Il sillonne tous les terrains de foot de rue de la capitale. Comme guide, des joueurs du club Gazelle noir.  Un après-midi, le technicien est conduit au terrain forêt, au bout du marché à mil.  Sur place, il boucle sa longue liste avec la détection du pépite Adam Koulbou.     

Le lendemain, les présélectionnés sont convoqués au stade de la concorde (actuel stade Idriss Mahamat Ouya). Après des jours d’entrainements, les joueurs retenus formèrent un club. Le nom donné fut : « Gazelle ». Il faut attendre 1972 pour que cela soit acté. Même année ou le club gagne son premier titre national en étant à la deuxième division : la coupe du Tchad. 

Dans la foulée, Idriss Mahamat Ouya est nommé ministre des sports. Il convoqua en urgence les grands supporters du club et leur confie la destinée du nouveau-né.  Et c’est Feu Naimbaye Lossimian qui prend les rênes des Noirs et Oranges. A la tête de Gazelle, le club remporte des coupes mais n’a jamais réussi à faire d’Adam Koulbou et ses coéquipiers champions du Tchad. Des joueurs, des dirigeants se succèdent, mais le club dit Ngarta Tombalbaye ne brandit le trophée de champion.

Il faut attendre 2009, pour voir les supporters de Gazelle fondre en larme.  Leur club est pour la première fois de son histoire champion du Tchad. Puis d’autres s’en suivent en 2012 et 2015.

Aujourd’hui, le club fête ses 50 ans. Mais le rêve de faire de Gazelle l’un des clubs les plus grands de l’Afrique ne semble pas être atteint.  Pour son président actuel, Adjib Koulamallah, cela est dû au manque de financement.  « Si vous n’avez pas les moyens, vous ne pouvez pas jouer au football. Ce sport demande beaucoup de moyens. Il faut avoir un siège, une salle de sport, il faut avoir les moyens de faire des matchs amicaux, des déplacements, des recrutements… », martèle-t-il. 

Annonçant son départ du club après plus de 14 ans de gestion, le juriste avoue qu’il craint pour l’avenir du club : « J’ai peur pour l’avenir, pas seulement pour Gazelle mais pour tous les clubs tchadiens.  Parce qu’on tire le diable par la queue. Sans sponsor, sans subvention de l’État, on n’y peut rien ». Pour lui, il faut que l’Etat, appuie financièrement les clubs.

La décision de quitter le club, Adjib Koulamallah l’a acté. Il justifie son départ par des raisons sanitaires mais aussi des frustrations qu’il n’explique pas. Si son départ allait mettre en mal « le club de son cœur », il rétorque avec fermeté : « les cimetières sont remplis des hommes irremplaçables qui ont toujours été remplacés. Je ne ferais pas insulte de dire qu’après moi, ce serait le déluge, pas du tout. Gazelle a des hommes qui peuvent faire l’affaire. De toute façon, je serai là pour conseiller ».  

Cette année, le club n’a pas participé au championnat national de football qui vient de s’achever le 17 juillet. Leur élimination au championnat zonal de la province de N’Djamena a choqué les supporters des Oranges. Il faut attendre la prochaine assemblée nationale élective pour entamer une nouvelle ère.