Construits à coût de milliards, certains hôpitaux de la capitale souffrent des rumeurs calomnieuses qui les vident de patients.

“Hôpital de la mère ou de l’enfant” , “hôpital où le serpent se promène la nuit pour rendre lui aussi à son tour visite aux patients” , etc… Telles sont les rumeurs qui, telle une traînée de poudre, se propagent sur beaucoup des hôpitaux de N’Djaména, notamment l’Hôpital de la mère et de l’enfant et le Centre hospitalier universitaire Le Bon Samaritain de Walia. Mais en réalité il en est rien. Blandine est l’une des patientes que la rumeur a terrifiée. Elle préfère mourir que d’aller à l’Hôpital de la mère et de l’enfant (Hme). “Je sais que je suis mortelle, mais accepter délibérément de précipiter ma mort en allant dans cet hôpital, je ne le ferai jamais” , déclare-t-elle sans ambages. Georges R., un jeune papa, se souvient du calvaire qu’il a vécu à cause de ces rumeurs. “J’étais au service quand ma femme a commencé le travail. Au lieu de m’informer moi, elle a appelé sa maman qui était à Sarh pour l’en informer. Ma belle-mère me dit clairement que si j’amène sa fille dans ces deux hôpitaux et qu’il lui arrive malheur, je vais endosser la responsabilité” , déclare-t-il . Le jeune homme est obligé de transporter son épouse dans une clinique privée. “Là, c’était la catastrophe. Il a fallu faire la césarienne, ensuite extraire un fibrome. En deux jours, j’ai dépensé 500.000 francs CFA” , ajoute-t-il très amer. Avant de conclure que nul ne peut échapper à son destin et d’arrêter de voir en un hôpital une boucherie. Conséquence de ces rumeurs, l’Hôpital de la mère et de l’enfant et le Bon Samaritain se vident peu à peu. Et des centres de santé comme Assiam Vantou et l’hôpital de l’Union , sont débordés au point où les malades sont couchés à même le sol. Certains affirment avoir été témoins oculaires des pratiques malsaines qui se feraient dans ces hôpitaux. Ils vont même dire qu’au Bon Samaritain , par exemple, quand on arrête le groupe électrogène aux environs de 22 heures, c’est pour laisser le champ libre à un serpent magique de circuler. Il y en a qui disent qu’à l’Hôpital de la mère et de l’enfant , on laisse les gens mourir au bon vouloir du personnel soignant et qu’une sorte de déesse existe dans cet hôpital et se nourrit exclusivement du sang humain. C’est pourquoi il y beaucoup de cas de décès. Mais à ceux-là quand on leur demande de démontrer et de témoigner, ils n’arrivent pas à piper un mot. Heureusement que beaucoup ont vaincu leur peur et se font soigner normalement dans ces structures sanitaires. Comme Denis M. qui pense que “si ce n’est pas grâce au Chu le Bon Samaritain, [il aurait] déjà perdu [sa] femme”. Le jeune homme confie que la grossesse que portait son épouse présentait de complications. La jeune femme n’était pas en travail, mais la gynécologue qui la suivait a constaté que si la grossesse allait à terme, il risquait de perdre soit la femme ou le bébé, soit les deux. “Qu’on arrête ces ragots! Je pense que la pauvreté y contribue beaucoup. Nous vivons dans un pays où quand tu construis une maison à étages ou achètes une voiture, tu es forcément un magicien. Quand les gens voient des hôpitaux bien construits, c’est que c’est l’argent de la Rose-croix. Cette Rose- croix-là, on la voit partout”, s’insurge Denis M. “Un croc-en-jambe qui existe dans le milieu” Pour Deurem Solange, le mental d’un malade compte beaucoup quand il prend des soins. Mais quand les gens viennent avec des préjugés et une peur bleue, cela contribue à leur malheur. “Les gens naissent et meurent à l’hôpital. On ne peut pas fuir la mort en évitant de fréquenter tel ou tel hôpital. On a des gens qui sont morts dans leur sommeil chez eux. Arrêtons un peu ces manières-là” , estime la jeune femme, stoïque. Nous avons cherché à savoir comment les responsables de ces hôpitaux font pour déconstruire ces idées reçues. Mais nos tentatives sont avérées vaines à l’Hôpital de la mère et de l’enfant. “C’est de croc-en-jambe qui existe dans le milieu. Ce sont des mécontents qui véhiculent ces fausses informations”, estime un ancien directeur général de cet hôpital. Au Chu Le Bon Samaritain , un responsable confie, sous l’anonymat, ne pas vouloir entrer dans ce débat stérile. “Nous soignons bien les gens et les témoignages qui nous parviennent sont satisfaisants. Jamais un patient d’ici n’a dit avec preuve à l’appui qu’il a vu un serpent dans notre hôpital”, se défend-il . Avant de conclure: “Quand ils seront vraiment malades, ils chercheront toujours à aller à l’hôpital; sinon cette mort dont ils ont tant peur les trouvera à la maison” . Dembaye Réounimta

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