3 février 2008 – 3 février 2018, cela fait exactement 10 ans que disparaissait à N’Djamena, le Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh. Cette disparition survenait alors que la ville était sous la menace de l’opposition armée tchadienne venue de l’Est du pays et qui menaçait de s’emparer du pouvoir. Suite à un entretien avec l’un des fils du disparu, Brahim Ibni Oumar Mahamat Saleh, nous revenons sur les circonstances de l’arrestation du professeur et de ce qui en est de l’affaire Ibni aujourd’hui.

En 2008, le rapport de la commission d’enquête a permis de connaître les faits : « enlevé devant sa famille par des éléments de la garde présidentielle du président Idriss Deby Itno, le professeur IBNI a été séquestré et torturé par ses geôliers. Il aurait subi des traitements dégradants, entrainant sa mort. Sa dépouille aurait été transportée vers une destination qui reste à ce jour inconnue de ses proches ».

Après dix ans, la disparition de Pr Ibni Oumar Mahamat Saleh n’a pas toujours été élucidée. « D’abord c’est une affaire de droit de l’Homme, puisque les preuves sont faites que le Professeur Ibni était chez lui et qu’il fut enlevé par la garde présidentielle. Dès lors on n’a plus retrouvé des signes de son existence. Par conséquent, il s’agit de torture et d’assassinat. Cette situation ne saurait laisser indifférents les militants des droits de l’homme ainsi que les institutions publiques internationales qui luttent en faveur des droits humains dont le premier est le droit à la vie », nous explique Brahim Ibni Oumar Mahamat Saleh, un des fils du disparu.

Pour lui, l’affaire Ibni constitue en outre, une menace contre la démocratie. Car, universitaire qu’il fut, le Professeur Ibni  était socialiste, porte-parole de la coalition des partis de l’opposition civile démocratique au régime de Deby. « Personnellement, à l’occasion de la rébellion de 2008 au Tchad, le Professeur Ibni a professé comme toujours être contre la violence comme mode de prise ou d’exercice du pouvoir : il privilégiait la lutte démocratique et ne saurait faire autrement lui qui est connu de l’international socialiste », nous témoigne son fils Brahim.

La disparition du professeur a marqué la mémoire de ceux qui ont toujours à cœur de transcender les clivages claniques, régionalistes et ethnocentristes qui ont endeuillé maintes fois les Tchadiens. « Bien que la commission d’enquête, sous-pression des amis du défunt, ait rendu un rapport qui incrimine clairement le gouvernement, ce dernier n’a jamais pris le risque d’un procès public », déplore Brahim Ibni Oumar Mahamat Saleh. Selon lui, « dans cette affaire d’État la responsabilité du régime est totale, et celle de ses partenaires est également engagée. Ce scandale avait, en son temps éclaboussé le président Nicolas Sarkozy et plus encore Idriss Deby Itno. Les députés et sénateurs français avaient heureusement su, à cette rare occasion, dépasser les clivages partisans pour exiger par des votes unanimes que lumière soit faite par l’exécutif français dans cette affaire », précise-t-il.

Pour commémorer la disparition de Pr Ibni Oumar Mahamat Saleh cette année plusieurs activités sont prévues au Tchad et dans d’autres pays à savoir : Togo, Mali, Burkina Faso, Benin, Côte d’Ivoire, Sénégal, Centrafrique, Niger, Zimbabwe, etc. « Cette année, contrairement aux neuf commémorations précédentes, nous voudrions mettre en avant la dimension idéologique à savoir : la dignité de la personne humaine, la nécessité de la recherche scientifique, la démocratisation des mœurs et de la vie politique. », nous informe Brahim Ibni Oumar Mahamat Saleh.