Dans un contexte politique déjà tumultueux, les prochaines élections législatives et locales qui s’annoncent au Tchad constituent un tournant décisif pour la démocratie et le retour à l’ordre constitutionnel. Les enjeux de ces élections sont décryptés par le politologue Yamingué Betinbaye.
Le Tchad s’apprête à organiser les élections législatives et locales après plus d’une décennie. Les dernières élections législatives ont eu lieu en 2011 et les communales en 2012. Depuis lors, les mandats des élus nationaux et communaux sont en perpétuelle reconduction. Mais à l’approche de ces élections, le climat politique semble être électrique. D’ores et déjà, le Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP) et le parti Les Transformateurs ont récemment annoncé qu’ils ne participeraient pas à ces élections, sauf si les conditions changent.
Selon le politologue, Dr Yamingué Betinbaye, cette décision est révélatrice d’un climat de méfiance généralisée envers le processus électoral. « Avec le boycott annoncé par le Groupe de concertation des acteurs politiques et Les Transformateurs, on peut s’attendre à un processus électoral peu engageant. Car, ce sont des formations politiques majeures qui se retirent. Elles refusent non seulement de participer, mais incitent également à ne pas voter le jour des élections. Il y a donc un réel danger d’un désert électoral prévu pour la fin de l’année », analyse-t-il.
A l’appel au boycott, s’ajoute la tension interne au sein de la coalition pour un Tchad uni. Le MPS a décidé de se retirer et d’aller seul à ces élections, provoquant la dislocation du groupe. Avec la non-participation du GCAP et des Transformateurs, le MPS devra désormais affronter certains de ses anciens alliés qui se trouvent aujourd’hui dans une forme d’opposition modérée. Bien que son statut et son profil ne soient pas encore complètement définis, la Dynamique de l’alliance républicaine (DAR), née des cendres de la coalition pour un Tchad uni, constituera inévitablement une forme d’opposition modérée qui rivalisera avec le MPS. De plus, il est souvent oublié que ces élections sont principalement locales. Même si, par exemple, les députés seront élus pour un mandat national lors des législatives, la compétition se déroulera essentiellement à un niveau local, analyse Dr Yamingué.
Pour le politologue, le MPS pourrait rencontrer des difficultés à convaincre les électeurs. Car, ses anciens alliés, qui l’accusent de trahison, s’apprêtent à critiquer son bilan et à organiser leur propre narratif. Cela annonce une campagne électorale dynamique dans les différentes localités.
Enfin, des voix discordantes se font entendre au sein même du MPS, remettant en question les décisions de sa hiérarchie. « Les élections à venir promettent d’être aussi captivantes que celles de la présidentielle. Bien que des appels au boycott puissent se faire entendre, on peut s’attendre à des élections relativement animées. Ces élections devraient conduire à une Assemblée nationale probablement dominée par le MPS, mais avec l’émergence de nouvelles oppositions, principalement modérées. La composition de cette Assemblée jouera un rôle crucial dans la désignation du chef de file de l’opposition », confie-t-il.
L’absence de l’opposition et les manœuvres au sein de la coalition au pouvoir laissent présager diverses implications. Selon le politologue, le Tchad pourrait se diriger vers une élection où la voix de l’opposition est minimisée, ce qui pourrait engendrer des tensions sociales croissantes.