Admise à la police nationale par voie de concours en décembre 2010, la promotion de 2200 élèves policiers, à raison de 100 par région (géopolitique oblige) vit la galère. Une formation interminable avec des apprenants qui ne savent plus à quel saint se vouer.

Il est 10 h 30, ce vendredi devant l’Ecole nationale de police. Des centaines de jeunes gens, hommes, filles ou femmes vêtus d’un treillis déteint par l’usure, casquette bien vissé sur le crâne, d’autres au crâne nu reflétant la lumière du soleil, sortent de l’école, l’air visiblement exténué. Les plus nantis rentrent à motos, à bicyclettes, mais la majorité crapahute à pied. D’autres marquent un arrêt, non loin de leur passage ordinaire pour se retrouver parmi des gens qui prennent d’assaut les branches des arbres déracinés par les bulldozers. “ Les femmes viendront tout de suite acheter ce bois. Le peu que j’aurai me permettra de prendre le taxi’’, dit un élève policier qui donne sans cesse de coups de hache aux branches. Un autre, la trentaine, renchérit qu’il ne reçoit plus d’argent de ses parents du village depuis trois mois. Parmi les malheureux élèves policiers, figurent des anciens cultivateurs, pères de famille de plusieurs enfants. En cette saison des pluies, ceux-là ferment difficilement les yeux, car leur rêve de devenir “commissaires” (comme on aime à les appeler), s’est transformé en cauchemar. Leur formation tire à longueur. Une formation essentiellement axée sur des cours de renforcement des capacités physiques. “Depuis, nous faisons la navette entre l’école de police et notre domicile. Nous ne savons à quel saint nous vouer. Nos activités de formation ne se limitent qu’à des rassemblements de routine et à des exercices physiques d’ordre serré”. C’est d’ailleurs l’ordre serré la seule discipline qui s’enseigne à ces élèves policiers, comme à des fantassins de premier ordre. C’est pour cette discipline, plutôt musculaire, que se lèvent les futurs flics au premier chant du coq pour revenir vers midi chez eux. Aucune matière théorique tels que le droit pénal, la procédure pénale, les libertés publiques et le droit international humanitaire qui devraient faire de ces futurs Opj (officiers de police judiciaire) des agents capables au service de la nation, n’est enseignée. Même le ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique trouve normal que soient ainsi soumis ses futurs agents aux seules conditions physiques. Or, en principe, la période de formation est divisée en trois phases. Trois mois de formation militaire, trois mois de théorie et trois de stage. Concrètement, seule la formation militaire a été accomplie en un an. Et contre toute attente, toute la durée de la formation de ces futurs policiers se résume également en une année. La bourse de neuf mois qui devait couvrir la période de formation se fait attendre. Le ministre rétorque qu’en tout bon militaire, les élèves policiers n’ont besoin au cours de leur formation que du “savon’’. Conséquence, ceux qui sont acculés par la vie chère et surtout les loyers impayés déménagent dans les périphéries de la capitale. D’autres préfèrent regagner sagement leurs villages ou villes de départ. Plus nombreux parmi le reste des élèves policiers qui continuent à endurer le calvaire s’interrogent. “A quand la fin de notre calvaire?’’, mais aucune autorité ne pipe mot. Les autorités semblent ignorer cette situation moribonde dans la formation. Le ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique, Tchonaï Elimi Hassan se dit surpris d’apprendre qu’il n’y a que “ l’ordre serré ” comme activité des élèves policiers. Il jure les mains sur le cœur que la situation est rose. “Je ne suis pas sûr que les élèves n’aient suivi qu’une formation physique. Nous venons de faire un arrêté qui va permettre à ces élèves de passer un texte physique et aussi justifier leur présence physique, et puis un autre arrêté interviendra pour les repartir dans les différents commissariats afin de poursuivre leur parchemin” , déclare-t-il. Un autre problème à verser au chapitre est d’ordre administratif. Le directeur de l’Ecole nationale de police nommé depuis quelques mois refuse de prendre fonction, pour cause de l’indigence de l’établissement. Et son prédécesseur, le général kelley appelé à d’autres fonctions continue à garder le fauteuil.

Boudina David & Djéndoroum Mbaïninga

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