A la suite de plusieurs tentatives, le jeune X obtient enfin son baccalauréat en 2019. Il a été envoyé au Cameroun pour suivre ses études supérieures. Mais, son papa, le seul qui le soutenait, meurt quelques mois après son départ. Commence alors sa traversée du désert.

Comme d’autres jeunes, le jeune X avait reçu beaucoup de promesses de ses parents quand il était en classe de terminale. Il avait tenu bon, et à la troisième tentative, son effort et son abnégation avaient été récompensés. Il décroche son baccalauréat série A4 et part au Cameroun où il s’inscrit à l’université de N’Gaoundéré au département de Droit.

Au début, il recevait mensuellement et régulièrement de son papa, l’argent qui lui permettait de se prendre en charge. « En mars 2020, une fameuse maladie appelée le coronavirus fait son arrivée. J’avais, comme certains étudiants tchadiens, décidé de rentrer. En avril, un malheur frappe la famille. Mon papa décède. Le seul qui m’aidait », raconte la vingtaine qui dit n’avoir pas fini de faire son deuil.

Après cet épisode douloureux, beaucoup de ses parents avaient promis l’aider. « J’étais reparti au Cameroun. Les choses ont commencé à se compliquer. Parce que l’argent de papa ne passait plus à cause d’un problème à la banque. Certains parents ont quand même pu cotiser pour m’aider », explique-t-il, la tête baissée.

« Une bonne partie de l’argent que je recevais était consacrée à acheter les provisions et pour les documents de l’université. Tout le reste m’importait peu. Parce qu’à N’Gaoundéré, mais surtout au village Dang, il faisait trop froid. Si je ne mangeais pas bien, je risquais de baver. Pour les déplacements, je  ne réfléchissais pas trop. C’était à pied », tranche-t-il.

Il dit avoir survécu grâce à ce soutien. En août 2020, le jeune rentre au bercail. Avec un mauvais résultat. « Cette situation m’avait impacté et j’ai repris le niveau 1 », avoue-t-il.

Au cours d’une réunion familiale, il avait été décidé qu’il reparte étudier. Certains parents s’étaient à nouveau engagés. A son retour, la situation devient intenable. D’octobre à décembre 2020, il dit n’avoir rien reçu comme « mandat ».

Traversée du désert

« J’ai écrit aux parents, on m’a envoyé 20.000f en janvier. Entretemps, il a fallu que je vende mon lit à 20.000 f pour me réinscrire ( 25.000 pour la première tranche). Avec le reste de l’argent, j’ai pu me gérer pendant tout le long du mois de janvier. La vraie galère commence donc.  Je mangeais chez les gens. On commençait à se moquer de moi. Mais comme je n’avais pas de moyens, je supportais tout. Il faisait tellement froid, sans manger, on ne pouvait tenir », témoigne d’un air pensif le jeune X.

Cette situation ne pouvait se poursuivre. Par l’entremise d’un de ses frères, il a pu trouver un travail dans un restaurant. « Ce  petit job consistait à servir les plats et laver les tasses. Je partais à 17 heures pour rentrer à 4 heures du matin. Je percevais 1000 f par jour et un petit plat de haricot. Malgré que le restaurant recevait beaucoup de clients. J’avais fait ce travail pendant deux mois ( mars et avril). Mon grand-frère qui est policier m’avait envoyé trois fois de l’argent ( 6000, 1500 et 4000f). Pendant ce temps, un proche racontait aux parents qu’il m’envoyait régulièrement de l’argent. Alors que c’est faux », lâche-t-il ses nerfs.

Pris par la fatigue, il était obligé de sécher certains cours (les cours ont lieu du lundi au samedi, de 7h à 17h).

Retour au pays

Arrivé en juin, il avait reçu l’argent pour payer le trajet de son retour et les frais de scolarité ( 2e tranche).  « Je suis rentré. Nous avions tenu une réunion et on a décidé que je reste au pays », dit le désormais ex-étudiant de l’université de N’Gaoundéré. «  Les parents qui se sont engagé à m’aider avaient honte de me regarder ».

Certains étudiants tchadiens avaient une situation quasi-similaire. « Il y avait des Tchadiens qui galéraient. Ils pouvaient encore recevoir les mandats de 20.000. Certains parents pensent qu’avec cette somme, l’étudiant peut se gérer mais ce n’est pas facile. Les choses sont devenues chères. Lorsque nous avions fait notre arrivée, c’est comme  ci les Camerounais nous attendaient. Les prix des marchandises ont aussitôt grimpé », regrette-t-il.

Quant à libre circulation en zone CEMAC, elle n’existe que sur papier. « Même sur la route, on nous arnaque. Ils disent qu’il y a la libre circulation dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Mais, les Camerounais ont multiplié les postes de contrôle. Il faut payer à chaque poste ( au moins 1000 francs) alors qu’on a un petit mandat » .

«  Les études à N’Gaoundéré sont bonnes.  Il y a beaucoup de nos compatriotes qui se battent là-bas pour réussir à l’université, mais il y a aussi ceux qui jouent avec leur avenir. Si tu n’as pas un papa bien assis, il faut étudier au pays », conseille le jeune x qui passe pour la deuxième année. Il dit attendre ses documents pour s’inscrire à l’université de N’Djamena.