Les résultats du Baccalauréat de l’enseignement du second degré (session de juin 2013) ont été proclamés officiellement ce mercredi 10 juillet 2013 par le président du jury. Sur un total de 70.711 candidats ayant composé cette année, 6.156 seulement ont été déclarés admis (soit un taux de réussite de 8,71%).

Il vous souviendra qu’en 2011 et 2012, le faible taux de réussite au BAC a créé un profond malaise pour le gouvernement, les enseignants, les parents et les élèves, jusqu’au-delà des frontières nationales. Ainsi, ce résultat médiocre pour l’année 2013 appelle tout décideur politique de bon sens à chercher les causes profondes de cette faillite en partenariat avec tous les acteurs du système éducatif tchadien. C’est presque une part importante d’une génération qui se retrouve handicapée et dont l’avenir est remis en cause.

Cela suscite un certain nombre de questions. Quelle est la part de responsabilité de la politique éducative, et donc de ceux qui l’initient, l’orientent et la mettent en œuvre ? Quelle est la responsabilité des enseignants et encadreurs, des parents ainsi que des élèves eux-mêmes ? Quelle est la part du contexte socio-économique, politique et culturel actuel du pays ?

Ces résultats montrent avec une évidence déconcertante la profonde faillite du système éducatif tchadien. Nous sommes convaincu que l’une des causes est l’essoufflement de la politique éducative qui est largement fondée sur un héritage colonial dépassé face au contexte actuel, aux enjeux du moment et aux défis que doit relever le Tchad. Il est clairement temps que le Tchad réforme son système éducatif en tenant compte des facteurs socio-économiques, politiques et culturels du pays qui ont leur part de responsabilité dans cette situation.

La vision réductrice et les politiques publiques de l’éducation nationale menées par le gouvernement tchadien ressemblent fort à des pratiques du secteur informel, des bricolages, qui agissent en périphérie plutôt que sur les causes profondes de l’inefficacité du système éducatif. Ces politiques sont davantage caractérisées par l’incohérence, l’inefficacité, l’inefficience et l’absence d’une vision globale et de long terme.

Sans dédouaner les enseignants, les parents et les élèves, la responsabilité première de cette situation de perversion de l’éducation nationale incombe incontestablement à ceux qui gèrent le Tchad, en l’occurrence les décideurs politiques de ce pays. Avec un tel échec et face aux drames que vont vivre des milliers d’élèves tchadiens et leurs familles dans leur vie intime, sociale et  psychologique, il nous paraît inconcevable que dans un pays qui se respecte, on n’ait pas déjà commencé à établir les responsabilités de chacun. Ce spectacle désolant n’honore pas le Tchad, ni son gouvernement, ni sa population. Où va ce pays ?

Par ailleurs, il est nécessaire de repenser la politique de l’éducation nationale, en commençant par la base – y compris la petite enfance, en visant la qualité et en tenant compte des réalités démographiques et socio-économiques du Tchad, de ses besoins ainsi que de l’évolution du marché national de l’emploi et de l’évolution du contexte régional et international. Cela pourrait commencer par la mise en place d’une mission chargé d’étudier le système éducatif tchadien dans le but de proposer des recommandations en vue de son éventuelle réforme.

Au-delà de la politique nationale de l’éducation, d’autres explications sont à rechercher dans les inégalités liées à la richesse, au genre, au lieu de résidence … qui n’ont cessé de se creuser profondément entre les privilégiés et les autres depuis ces dernières décennies au Tchad. De ce point de vue, le défi majeur est donc de bâtir une société plus inclusive et plus juste.

Si rien n’est fait, cette situation constituerait une bombe à retardement qui risque d’embraser le Tchad les jours, les mois et les années qui viennent. Le ras-le-bol des jeunes et le climat tendu entre eux et les autorités dans la capitale tchadienne au lendemain de la proclamation des résultats du BAC des années précédentes dénotent la gravité de cette situation.  De quoi sont capables plus de 64.000 jeunes survoltés, animés par un sentiment d’injustice et sans perspective d’avenir ? A méditer.

Ceux qui profitent injustement des richesses du Tchad pour garantir leur avenir et mettre à l’abri leurs enfants tout en leur permettant d’accéder à une meilleure éducation n’échapperont pas à l’explosion de cette bombe. Il incombe en premier lieu aux décideurs politiques du Tchad de se rendre compte de leur lourde responsabilité et se départir de la discrimination et de l’injustice pour offrir aux jeunes tchadiens la possibilité de construire leur avenir dans les meilleures conditions possibles avec les mêmes chances pour tous et par un accompagnement pédagogique, socio-économique, politique et culturel de qualité.

Si cela n’est pas réalisé, une seule conclusion s’impose : cette faiblesse de réussite au bac relèverait d’une volonté des pouvoirs publics d’user de cet instrument de validation de diplôme à des fins qui méritent d’être élucidés. Il convient simplement de rappeler à nos jeunes que le BAC n’est pas une fin en soi.  Même s’il est vrai que le BAC avait une forte valeur symbolique, manquer son BAC pour une raison ou une autre, n’empêche pas d’inventer et de bâtir son avenir en mettant à profit toutes les opportunités rencontrées et tous les autres mécanismes d’ascension sociale.

N’oublions pas en outre qu’on peut refaire son BAC pour ceux qui y tiennent vraiment. Parmi ceux qui sont devenus « quelqu’un », nombreux sont ceux qui n’ont pas décroché leur BAC, ou au moins du premier coup. Surtout ne vous découragez pas, il y a plusieurs possibilités dans la vie de réussir brillamment. L’important est d’être en adéquation avec soi-même, dans la limite et le respect des normes et des valeurs collectives.

Talha Mahamat Allim