YAOUNDE, 30 juin (Xinhua) — Motivé par la quasi-absence des langues africaines sur la grande toile, un projet canadien de technologies de l’information et de l’éducation en phase pilote au Sénégal et au Bénin a entrepris de développer une plateforme où l’internet et le téléphone mobile sont mis ensemble pour offrir aux populations africaines un programme de formation en langues maternelles et nationales.
Promoteur du projet, Tony Simard annonce plus de 15.700 vidéos produites, en collaboration avec des linguistes africains, en vue de mettre à disposition des outils d’apprentissage visant à aider ces populations, surtout les 400 à 500 millions d’analphabètes recensés sur le continent d’accéder à la connaissance, grâce à la promotion des langues par les technologies de l’information et de la communication (Tic).
A la tête d’ une structure dénommée la Boîte à innovations et créée par sa propre initiative, le chercheur canadien comptabilise à ce jour six langues de divers pays et régions d’Afrique utilisées dans sa “plateforme web mobile tactile”. A savoir : le fon, le yoruba et le baatonu pour le Bénin et le Ngeria, le pulaar, le wolof et le joola pour le Sénégal et la Guinée-Conakry.
“Le potentiel actuel avec les six langues africaines qu’on a développées, plus le français et l’anglais, est de 110 millions d’Africains dans 18 pays, parce que le pulaar est parlé dans 18 pays, le yoruba est parlé par les personnes du Nigeria à la hauteur de 25 millions. Si vous prenez les langues du Bénin, le fon, le yoruba, le baatonu, on rejoint à peu près 80% de la population béninoise et on leur offre l’opportunité de rentrer dans le 21e siècle avec les outils du 21e siècle”, explique-t-il.
L’enjeu de ce projet, assure-t-il, réside dans le progrès socioéconomique en Afrique. Car, “à l’heure actuelle, il existe dans le monde 6.700 langues, 2.100 langues sont africaines. Donc, le tiers du patrimoine linguistique mondial appartient à l’Afrique. 1% seulement des langues africaines sont sur internet. 200.000 millions de sites internet existent aujourd’hui dans le cyberespace, et même encore plus. Seulement un site sur 100.000 est africain”.
La Boîte à innovations, de l’avis de son dirigeant rencontré lors de la deuxième du forum économique New York Forum Africa tenue du 14 au 16 juin à Libreville au Gabon, se propose de réduire cette marginalisation en offrant aux populations africaines la possibilité “de s’approprier des technologies mais en respectant leurs cultures et leurs langues, et en valorisant ces cultures et langues-là”.
Le projet, qui intègre par ailleurs le swahili, une langue parlée par un grand nombre de personnes en Afrique de l’Est, est aussi en train de s’étendre au fang qui de son côté compte ses locuteurs en Afrique centrale. “Je suis au Gabon pour implanter nos approches intégrées qui sont à trois niveaux”, confiait alors Tony Simard à Xinhua.
La démarche décrite se résume par “une approche thématique axée sur les objectifs du millénaire dans les domaines de la santé, de l’économie et de la culture ; une approche intégrée linguistique qui concerne les langues occidentales, français et anglais, et les langues africaines ; et une approche intégrée technologique qui permet à un apprenant africain d’apprendre à lire, écrire, calculer, utiliser un ordinateur, internet et un téléphone mobile en même temps dans sa langue et en français”.
“Ces approches-là, vante le chercheur, vont permettre aux pays africains de connaître un bond gigantesque parce que les technologies sont dans leurs langues. Elles sont conçues pour la personne, pour qu’elle s’approprie cette technologie-là et pour qu’elle favorise le développement à la base. Avec seulement 1% des langues africaines dans le cyberespace, il y a une véritable prise de conscience que les décideurs africains doivent prendre”.
Pour Tony Simard, “à chaque fois qu’il y a l’intégration d’internet dans un nouveau pays, ça se fait toujours au détriment des cultures et des langues nationales. Nous, on a fait le pari d’investir dans le développement des technologies mais en conformité avec ce que sont les personnes humaines dans leurs langues. A Libreville, 25% des langues nationales sont en déperdition. 70% des jeunes à l’heure actuelle au Gabon ne parlent plus leurs langues”.
Pour l’heure, l’accès à la plateforme est gratuit. “Nous voulons garder cette gratuité-là, avoir un modèle d’affaires avec Google par la publicité, par l’implication des organismes internationaux ou les gouvernements. Présentement, c’est la Boîte à innovations seule qui finance le développement de la technologie et les modules de formation”, annonce le Canadien.
C’est le sens des négociations avec les autorités sénégalaises, béninoises et gabonaises pour le développement du programme dans leurs pays respectifs. L’objectif déclaré étant d’offrir l’éducation aux plus démunis dans les villages.