Au Tchad, pays officiellement bilingue, le système éducatif impose l’apprentissage du français et de l’arabe dès la maternelle. Cependant, dans les écoles maternelles de N’Djamena, la réalité semble loin de cet objectif. En pratique, les encadreurs se concentrent davantage sur l’apprentissage de chansons que sur l’expression orale en français, une situation qui freine l’acquisition précoce de cette langue.
Les écoles maternelles tchadiennes ont pour mission de renforcer l’usage de la langue française dès les premiers niveaux de scolarité. Cela vise à fournir aux enfants une base solide pour leur future maîtrise de la langue. Pourtant, les enseignants éprouvent des difficultés à remplir cette mission, invoquant divers obstacles.
Des multiples défis pour les enseignants
« Travailler avec les enfants n’est pas facile. Cela demande beaucoup de force et de courage, surtout à la maternelle. Ces jeunes élèves comprennent difficilement le français, et il nous arrive de recourir à des langues locales comme le Ngambaye ou l’Arabe locale pour faire passer le message », explique Poutoumta Moyalbaye, enseignante à la maternelle dans une école du quartier Walia Hadjaraï, dans le 9ᵉ arrondissement.
Elle poursuit : « L’école est un lieu de confrontation avec le monde social. L’enfant y observe les autres, apprend les comportements, les intentions, les valeurs et les normes qui les sous-tendent. Le système éducatif tchadien a pour mission d’éduquer, d’instruire et de former les jeunes en vue de leur insertion socioprofessionnelle. »
Pour Moyalbaye, les enseignants de la maternelle doivent adapter leur pédagogie pour atteindre ces objectifs. Elle préconise un accueil personnalisé pour chaque élève, la promotion active du langage oral, en particulier en français, l’organisation d’activités variées et ludiques, ainsi qu’une collaboration étroite avec les parents.
Elle insiste sur le rôle essentiel du langage oral, qu’elle considère comme la base des apprentissages en maternelle. « Les élèves développent leurs compétences à des rythmes différents, mais il est crucial de faire de ce développement une priorité en utilisant tous les moments de classe pour échanger et interagir. »
Le rôle décisif des enseignants
Solkem Nadège, enseignante à la maternelle de l’école “Ab-Chock” dans le même arrondissement, partage ce point de vue. Elle souligne que « la réussite des enfants à l’école, dès la maternelle, dépend en grande partie de leur enseignant. Pour que les enfants parlent français, leur concentration et leur motivation sont essentielles, mais en âge préscolaire, la manière dont l’enseignant interagit avec eux joue un rôle encore plus important. »
Selon elle, enseigner le français aux jeunes enfants nécessite de s’appuyer sur leurs centres d’intérêt et d’utiliser des méthodes ludiques. « Jouer en français est une méthode simple et efficace qui permet un apprentissage naturel et sans effort. »
Elle met également en avant l’importance de la lecture à haute voix. « Cela aide les enfants à appréhender les structures des phrases et à enrichir leur vocabulaire. De la petite à la grande section, on observe de grandes disparités dans la manière dont les enfants s’expriment, mais ces différences sont normales et liées au rythme d’apprentissage de chacun. Le rôle de l’enseignant est de créer un environnement favorable pour que chaque enfant trouve son rythme, prenne la parole et communique. »
L’importance de la langue française dès la maternelle
Pour Moyalbaye, initier les enfants au français en maternelle est fondamental. « Cela permet aux enfants de tisser des liens avec leur environnement et leur culture, favorise la compréhension mutuelle et le respect d’autrui, tout en contribuant à préserver la richesse culturelle et traditionnelle des langues. Cependant, beaucoup reste à faire pour garantir à tous les apprenants un accès égal à l’éducation dans cette langue. »
En dépit des défis, les enseignants appellent à des efforts concertés pour renforcer l’enseignement du français en maternelle, une étape cruciale pour poser les bases d’un bilinguisme effectif et durable au Tchad.
Djetogoyom Chanceline