La copie présentée par Saleh Kebzabo aux Conseillers nationaux le jeudi 3 novembre n’est rien de plus qu’une liste de courses avec très peu d’objectifs quantifiables et planifiés.

Saleh Kebzabo a beaucoup promis lors de la présentation de son programme de politique générale face aux Conseillers nationaux le jeudi 03 novembre 2022. « Ce programme politique s’est voulu très ambitieux », ont péroré des soutiens du gouvernement. Il est en fait difficile à réaliser car incalculable. C’est globalement ce que l’on peut retenir de cette étape législative inutile (car il n’y a pas d’opposition en tant que telle dans cette assemblée), mais qui a quand même été maintenue pour respecter les formes de l’administration (l’exécutif se soumet au législatif qui accorde son blanc-seing). A ce niveau-là, il n’y avait aucun enjeu.

L’enjeu était plus à rechercher dans la densité du programme proposé. Sans vouloir tirer sur l’ambulance (rappelons que ce gouvernement nommé le 14 octobre est déjà empêtré dans les conséquences des évènements du 20 octobre 2022), on peut dire que Saleh Kebzabo a confondu obligations d‘Etat et programme politique gouvernemental.

Dans ce discours qui était dans son ensemble plus une lapalissade qu’une déclaration gouvernementale inventive, le PM s’est juste perdu en conjecture en égrainant des points qui ne répondent finalement qu’au bon sens. Si l’on devait résumer cette prestation, elle tiendrait en 8 mots : Beaucoup de littérature et très peu d’objectifs quantifiables.

Le programme politique gouvernemental qui s’articulera autour de 5 axes est un texte composite entre les obligations du DNIS, les rôles traditionnels d’un Etat et un soupçon de promesses sur l’accès à l’eau et la capacité énergétique. Tout cela est finalement très timide, même si ce dernier point est sensible et central.

Les obligations du DNIS

Après nous avoir rappelé les recommandations du Dialogue national, on aurait pu s’attendre à consulter un calendrier des actions à venir. Mais une fois de plus, les Tchadiens n’ont eu droit qu’à ces formules creuses que sont « prochainement », « dans les meilleurs délais », « sous peu ». Aucune date pour l’application des accords de Doha, aucun planning pour l’organisation des différentes étapes qui conduiraient à un referendum constitutionnel. Bienvenue dans le « Inch Allah time » ; et à ce rythme, on ira au-delà des 24 mois.

Le régalien en programme

Sur l’éducation, la santé, la défense/sécurité, Saleh Kebzabo annonce des actions sans pour autant détailler comment il s’y prendra, avec quels moyens et sans indicateurs d’évolution dans le temps. La logorrhée du PM était tellement prévisible que les auditeurs se seraient crus suivre un cours sur les missions et devoirs régaliens dans un amphithéâtre. Ce n’était pas l’objectif de l’exercice. On aurait aimé l’entendre sur les moyens qu’il mettra en œuvre et les mécanismes qu’il utilisera et qui feront que son gouvernement réussira là où les autres ont échoué.

Sur l’énergie, enfin du concret

Saleh Kebzabo a promis lors de cette présentation d’améliorer le niveau de vie des Tchadiens. Que grand bien nous en fasse ! A ce titre, il s’est enfin fixé quelques objectifs tangibles. Sur la question épineuse de l’énergie, le gouvernement se donne 24 mois pour atteindre une capacité de 300 mégawatts sur toute l’étendue du territoire. Pour rappel, la ville de N’Djaména dispose actuellement de 120 mégawatts.

Dans le même élan et pour la même période, il a aussi promis l’installation de 200 adductions d’eau potable dans tout le Tchad, l’embauche de 1 832 fonctionnaires (postes non encore pourvus sur les 5 000 prévus) et enfin de s’efforcer à faire passer le taux d’achèvement du cycle primaire de 44 à 60% et celui de l’école secondaire de 17 à 25 %, mais sans donner, pour ces 2 derniers objectifs, une période dans laquelle ces chiffres doivent être atteints.

Ce que nous propose Saleh Kebzabo pour une période aussi cruciale que la transition que nous vivons est vraiment en deçà de ce que nous sommes en droit d’attendre. Mobiliser une quarantaine de ministres pour une telle copie est, non pas décevant car personne ne s’attendait à un programme faisant appel à une ingénierie politique très subtile, mais la confirmation que la manière de gouverner au Tchad ne change pas. De manière très liturgique, les chefs de gouvernement nomment des ministres sans feuilles de route ni objectifs et qui au final ne géreront que des urgences. Pour le reste, advienne que pourra.

Après avoir interpellé avec véhémence le nouveau 1er ministre lors de la séquence des questions au gouvernement, le Conseiller national, Manadji Tolkom Bertin a conclu son propos en employant ce proverbe : « C’est au pied du mur qu’on voit le maçon ». Une manière de mettre Kebzabo face à ses responsabilités.

Chérif Adoudou Artine