Sur fond de messages divisionnistes entre nord-sud, chrétien-musulman, les Internet tchadiens se sont enflammés depuis le 20 octobre. Loin des vrais problèmes tchadiens qui touchent tout le monde, une partie des internautes s’est laissée happer par une dialectique haineuse. Ressaisissons-nous et recentrons les débats sur ce qui nous touche tous : la pauvreté, qui elle ne connaît ni sara, ni doum.

Quand nos papilles blanchies et gonflées par un jeûne forcé refoulent une odeur fétide, a-t-on vraiment le temps de penser à stigmatiser son voisin ?

Le premier réflexe des affamés, des brimés, des paupérisés, de ceux réduits à un statut de servitude devraient être de se souder afin de mieux supporter ces fers qui les unissent. A affronter ensemble les causes de leur mal-être. Car oui, au bon souvenir des histoires de jean Valjean, la solidarité est le dernier et principal rempart des forçats de la vie. Sauf quand un grain de bêtise vient se greffer dans un coin de la tête. Et c’est justement contre cet endoctrinement que toutes nos énergies doivent se braquer afin de ne pas laisser la haine se bouturer dans notre esprit et mettre à mal notre conscience de citoyen, ou à défaut notre solidarité. N’oublions pas que par ruissellement involontaire, cette manipulation avait plongé il y a 43 ans le Tchad dans les affres de la guerre civile… Cette page noire de l’histoire que nous ont raconté les plus âgés et qui a fait basculer le pays dans l’indicible. Si nous ne prenons pas garde, la résonance des réseaux sociaux aidant en 2022, nous serons en plein dedans que nous ne nous en rendrons même pas compte.

Se soigner ou manger ?

Sans crainte de se tromper, ni d’être repris avec arrogance par ces censeurs incapables de se départir de leurs ouvrages et théories, on peut affirmer que la majorité des Tchadiens, 90% d’entre nous, sont en train de crever la gueule ouverte. Soit, nous nous soignons, mais ne mangeons pas. Soit, nous mangeons, mais ne scolarisons pas nos enfants. Soit, nous en scolarisons un en priorité par rapport à l’autre. Soit. Soit. Soit. Toujours face à un choix de privation tant nous sommes pauvres, dépourvus du minimum vital. Et c’est là l’essentiel !

Il ne faut pas qu’une propagande simpliste distillée insidieusement sur les Internets distraient les damnés que nous sommes au point que nous nous opposions sur des critères de hasard (personne n’a décidé de naître doum ou sara). Il faut au contraire que tout un chacun reste focalisé sur les questions essentielles, à savoir la justice sociale et le bien-être de la population. Personne ne demande l’amour fou entre les gens, mais un minimum de discernement sur ces allégations qui ont pour seul objectif de diviser et de détourner les esprits de ce qui doit être un dessein commun.

Notre leitmotiv doit être celui de la majorité oubliée par les différents courants politiques qui se sont succéder au pouvoir. S’il ne s’agit que de parler du nord et du sud, combien de sudistes siègent et ont siégé dans les gouvernements depuis la guerre civile de 1979. Sont-ils moins sudistes que celles et ceux que certains ont accusé jeudi de vouloir prendre le pouvoir par la violence. C’est se moquer de notre intelligence que d’avancer ce genre d’accusation… car que peuvent faire « 1 500 personnes » armés de briques et de coupe-coupes contre l’arsenal de l’Etat tchadien ? Non, ce ne sont pas des rebelles, encore moins des séparatistes, ceux sont juste des Tchadiens (comme nous) qui ont exprimé leur colère, leur désarroi vis-à-vis d’un pouvoir qui les néglige, qui néglige jusqu’à leur dignité d’être humain.

La tempérance dans nos propos sur les réseaux sociaux et le respect des singularités de chacun doit être notre projet. Un projet tchadien, sans distinction d’ethnies, de religions ou de n’importe quels autres critères discriminatoires.

Chérif Adoudou Artine