La démission de Moustapha Mahamat Masri, 1er vice-président, est un nouveau coup dur porté au Transformateurs après la semaine difficile que vient de passer la formation politique de Succès Masra. Au regard de la situation étriquée dans laquelle il se trouve, le parti s’en relèvera-t-il de sitôt ?

L’épisode violent et sanglant du 20 octobre derniers marque-t-il la fin de l’aventure politique des Transfo ? Le fondateur du mouvement en 2018 et président du parti, Succès Masra, vit caché depuis cette date, un des cadres du parti, Moustapha Mahamat Masri (1er Vice-Président), a annoncé devant la presse ce mercredi 26 octobre 2022 son désengagement du principal mouvement d’opposition tchadien.

Que reste-t-il des Transfo ?

Quasi clandestin depuis l’annonce du 1er ministre Saleh Kebzabo au terme de cette journée « de guérilla urbaine », Succès Masra n’est plus, en l’état des choses, en mesure de contester dans des conditions démocratiques et tel qu’il le souhaite cette 2nde transition. Il en est de même pour les autres leaders des mouvements qui composaient la contestation, au premier rang desquels Max Loalnagar de Wakit-Tama et Yahya Dillo du PSF (Parti socialiste unifié).

La rencontre de presse organisée par Moustapha Mahamat Masri est un coup de boutoir dont se serait bien passé Masra. Ce qui n’était rien de plus qu’un happening (technique de mise en scène afin d’amplifier la portée d’un événement utilisée souvent dans le monde du spectacle et emprunté à l’occasion en communication politique), est en réalité une opération pour saper le morale du président et de ses partisans ; car il se dit dans les rangs du parti d’Abena que « de toute façon Masri s’était désengagé depuis au moins 1 mois de ses fonctions au sein des Transformateurs ».

Mise en scène ou pas, il s’agit là du 3ème départ de poids en un peu plus d’une année et demie parmi les collaborateurs les plus proches et les plus en vue de Succès Masra.

Le 26 mai 2021, c’était le truculant Don Ebert qui, au détour d’une publication qui détaillait ses différends avec Masra, a préféré prendre ses distances d’avec l’ancien économiste principal de la Banque africaine de développement. Deux mois plus tard, soit le 21 juillet de la même année, c’était au tour de celle qui représentait le symbole de la diversité tchadienne du parti, Fatimé Abdelkerim Soumaïla, de retirer ses pénates de la « Hope and Leadership house ». Dans le cas de la sémillante trésorière, les raisons qui ont justifiées son choix étaient moins limpides.

Il reste désormais dans la partie haute de l’organigramme des Transformateurs, le juriste Sitak Beni Yombatinan (2ème vice-président), l’environnementaliste Claudia Moh-Ndomal Hoinathy (3ème V-P) et l’ancien coordonnateur de l’ONG MALARIA NO MORE, Ndolembaï Sadé Njessada (4ème V-P). Désormais privés de leur leader, de leur boussole idéologique, de leur mat médiatique, que pourront faire pour exister ces 3 personnalités dans cette situation de « clandestinité » d’au moins 3 mois qui rassemble grandement à celle qui était la leur entre 2018 et 2021 ? Le parti semble dans l’impasse.

Médiation de la CEEAC

Le mini-sommet de la CEEAC qui s’est tenu à Kinshassa ce lundi 24 octobre a désigné le président de la République congolaise, Félix Tshisekedi « facilitateur » dans le cadre « de la crise tchadienne » consécutive aux évènements du 20 octobre. Ce dernier initiera certainement un rapprochement afin de renouer le dialogue entre les 2 parties. Cette phase prendra du temps et passera par une désescalade obligée dans le ton des prises de parole ; car depuis les 50 morts, Mahamat Déby Itno et Succès Masra ne se font aucun cadeau dans leurs adresses publiques respectives. Après cette détente et par l’entremise du facilitateur, les Transformateurs sortiront alors du bois, s’expliqueront, se défendront au grand jour des accusations de vouloir mettre en application des « projets néfastes pour notre pays » et enfin accepteront ou réfuteront les conclusions d’une enquête que tout le monde demande instamment.

Une fois cette tempête passée, car elle passera étant donné que rien n’est immuable en politique, le parti sera dans l’obligation de resserrer les rangs autour des fidèles, de penser une dialectique qui l’éloignerait de cet épisode macabre et enfin de réfléchir à des méthodes moins risquées pour s’opposer politiquement. Que Les Transformateurs aient raison ou tort suite à l’appel à manifester malgré l’interdiction et au carnage de ce jeudi noir, aucun politicien ne peut en connaissance de cause demander une nouvelle fois à ses partisans d’être de la chair à canon, et ce quelle que soit la justesse du combat. Si tel est le cas, nous ne serions plus dans l’arène politique que chérie tant Succès Masra, mais sur autre champ que celui dont il nous a habitué. Cet autre que plus aucun tchadien ne souhaite revivre.

Chérif Adoudou Artine