Les espoirs des Tchadiens, debout comme un seul homme derrière leur équipe ce 23 mars, ont été vite douchés. Face à la Gambie, en match aller du tour préliminaire de la CAN 2023, les Sao se sont inclinés (0-1), nous servant un jeu haché, sans aucun fond cohérent. Incapable de garder le ballon pendant trente secondes, les Sao se sont contentés de dégager le ballon, comme pour s’en débarrasser. Un milieu totalement inexistant. Une attaque qui n’a fait montre d’aucune agressivité, n’a cadré aucun tir… La liste des griefs est longue. La seule note acceptable nous a été fournie par la défense et le gardien sorti sur blessure.

Les Tchadiens ont vite vu ce qu’ils refusaient de voir, peut-être par optimisme béat ou par naïveté : les Sao sont loin d’être un collectif. C’est beau de se parer des couleurs nationales, mais on ne gagne pas des matchs de foot dans l’impréparation et le folklore.

Passée l’euphorie, il faut s’atteler à reconstruire véritablement le foot tchadien. A commencer par une équipe compétente à la tête de la Fédération. Même le Comité de normalisation actuel est un problème, un frein à la relance du foot. On a nommé à sa tête une personne neutre : Me Jacqueline Moudeïna. Mais très vite, l’avocate est prise en otage entre les antagonismes et ça tourne en rond. Il faut accélérer les réformes statutaires et élire des hommes et femmes qu’il faut pour le foot tchadien.

Pour avoir une bonne sélection nationale, solide et performante, il faut ensuite commencer par la base (des écoles de foot) et gravir les différentes catégories : U15, U17, U19 et U21. Il faut lancer enfin un championnat national, organiser des compétitions interprovinciales pour dénicher de nouveaux talents (et Dieu sait qu’ils pullulent dans nos villages, féricks, villes et campagnes). C’est là le vivier d’une sélection nationale.

Il faut investir dans la formation à la base, mais également dans les infrastructures. Aujourd’hui, le Tchad ne dispose pas d’un stade aux normes. Le seul stade acceptable est en toujours en construction, don de la Chine. Le stade Idriss Mahamat Ouya est hors service, les travaux de rénovation piétinent. Après des décennies d’exploitation du pétrole, c’est lamentable d’aller quémander un stade dans un pays voisin pour jouer des matchs officiels.

Il faut un véritable plan de relance du foot tchadien, incluant clairement ces objectifs précités et soutenu par des moyens techniques et financiers conséquents. Il faut arrêter avec cette navigation à vue qui caractérise depuis plusieurs décennies la gestion du football en particulier, et des tous les sports en général. Pour les deux matchs contre la Gambie, 400 millions de francs CFA auraient été débloqués. Mais on ne nourrit pas son coq le jour du marché et ce 23 mars, nous l’avons appris à nos dépens.

Le Tchad a été exclu des compétitions internationales pendant des années. Au lieu de mettre ce temps à profit pour lancer les bases du renouveau du foot, les responsables des sports ont tourné en rond, perdu du temps à ne rien faire sauf à s’engraisser. Résultats : le match du 23 mars nous a remis devant la dure réalité : nous n’avons pas évolué par rapport à la période d’avant la suspension. Pire, nous sommes tombés de Charybde en Scylla, c’est-à-dire nous allons de mal en pis, alors que nous avions dominé et éliminé le Liberia (1-0) en octobre 2019, ou tenu tête à la Guinée (1-1), en novembre 2020.

En attendant ces réformes profondes, il faut faire une révolution au sein de l’effectif. Certains joueurs sont arrivés en fin de cycle. Ngar Ezéchiel, Ninga Casimir et Mahamat Zagal n’ont plus les jambes. Nonchalants, maladroits, ils ne peuvent plus tenir même une heure sur la pelouse. Ngar, en bon capitaine et malgré sa bonne volonté, s’est souvent retrouvé seul au milieu de la défense gambienne, à courir dans le vide. Il est temps de lancer de jeunes loups comme Marius Mouandilmadji, Bakhit Djibrine et Haroun Tchaouna. L’on ne comprend pas que le sélectionneur ait laissé ces talents sur la touche. Grosse erreur de coaching !

Les Tchadiens n’espèrent plus un miracle au match retour. Mais les Sao devront montrer un autre visage lors du match retour, le 29 mars prochain au Maroc. Le sélectionneur Mahamat Allamine Abakar doit s’assumer, mettre sur le banc de touche ces joueurs finis et donner les clés du jeu aux jeunes Marius, Bakhit, Tchouana et autres. On ne peut clamer que la sélection est jeune (comme le président de la République est jeune) et laisser les jeunes sur la touche. Le renouveau du foot tchadien doit débuter par cet acte, petit, mais fort.

Il faut mettre cette nouvelle génération de joueurs dans de meilleures conditions. Et au lieu d’aller chercher des internationaux qui évoluent dans les tréfonds des divisions occidentales ou dans des championnats exotiques et qui n’ont pas du volume de jeu dans les jambes, l’on ferait mieux de miser sur les joueurs locaux. Des Nations africaines ont aujourd’hui des sélections purement locales qui ont meilleure allure que les sélections avec des internationaux.

La Rédaction.