Fin février dernier, une collision entre deux bus de l’entreprise Abou Hamama, à 50 kilomètres d’Oum Hadjer, dans le Batha, a fait près de 40 morts et une cinquantaine de blessés. En guise de sanction, la ministre des Transports et de la Sécurité routière, Mme Fatima Goukouni Weddeye, suspend provisoirement l’agrément de transport à Abou Hamama. Par un autre arrêté conjoint signé avec son collègue de la Sécurité publique, elle restreint les horaires des transports en commun interurbain entre 4 heures du matin et 21 heures.

Mais Abou Hamama refuse de se plier à la décision de la ministre, continue à mettre ses bus sur la route N’Djaména-Abéché et, pire, fait grimper le prix de 15.000 FCFA à 20.000 FCFA.

Pire, le Syndicat des transporteurs inter et intra-urbains menacent d’entrer en grève à compter du 14 mars. Ainsi va le Tchad…

L’affront d’Abou Hamama à la ministre des Transports est inadmissible. La solidarité affichée par les transporteurs est immonde, abjecte. Des Tchadiens meurent, de manière brutale, du fait des chauffeurs irresponsables, les transporteurs s’en moquent. Les intérêts et les vies des usagers sont ainsi sacrifiés sur l’autel du profit par un groupuscule sans âme ni loi qui a pris tout un secteur en otage.

En l’absence d’une société publique de transport et la nature ayant horreur du vide, ce groupuscule s’est imposé. Il offre un service « capharnaümesque », surchargé et de plus en plus onéreux. La vétusté du parc automobile, la dégradation lamentable des infrastructures et le nom respect du code de la route favorisent l’insécurité sur nos routes : en moyenne 2.650 morts par an, selon des données du ministère des Transports.

Mais dans cette insécurité, les conducteurs des véhicules de transport en commun (que ce soit entre les villes qu’à l’intérieur des villes) sont souvent pointés du doigt. Ils sont devenus chauffeurs sans aucune certification et n’ont aucune notion du code de la route. Ils conduisent très mal, comme des fous, parfois saouls en prenant des produits psychotropes. Ils ne veulent jamais être dépassés et n’hésitent pas à bloquer le passage à d’autres véhicules ou poursuivent même celui qui vient de les dépasser. Cette conduite irresponsable est à l’origine de beaucoup d’accidents de la circulation. Le dernier accident dans le Batha en est une bien triste illustration.

Les pouvoirs publics ont renoncé à faire respecter la loi, face à la toute-puissance des transporteurs (et dans bien d’autres secteurs d’ailleurs). Les policiers ne bombent le torse que sur les pauvres chauffeurs de taxis et les autres automobilistes privés.

Les tarifs pratiqués aujourd’hui par les opérateurs de bus ne sont pas adaptés au pouvoir d’achat. Ces derniers augmentent les prix des transports quand ils veulent, comme ils veulent. A cause des restrictions imposées depuis l’apparition du Covid-19 au Tchad, ils avaient augmenté substantiellement les tarifs sur tous les trajets, sans respecter les mesures imposées. La situation sanitaire décantée, ils ne sont pas revenus aux anciens tarifs. Ainsi grimpe l’inflation au Tchad.

L’incurie actuelle des pouvoirs publics est criarde, révoltante. Face à un Etat laxiste, des individus puissants dictent leur propre loi : le profit, encore le profit et toujours le profit ! Ils s’adonnent à d’autres activités, notamment l’expédition des courriers et le transfert d’argent, en toute impunité et concurrençant de manière déloyale la poste et les établissements financiers. Ils sont intouchables.

Il est temps que le gouvernement prenne la responsabilité de créer une société de transport public, même s’il le faut sur le modèle d’un partenariat public-privé. En attendant, il faut construire des routes dignes de ce nom, débarrasser le parc automobile de ces épaves qui roulent comme des cercueils, et faire appliquer le code de la route à tous les conducteurs.

Partout en Afrique, plusieurs startups révolutionnent le secteur des transports. Parmi ces startups, il y a SafeMotos, une application pour les taxis-motos (ou « clandos ») très populaire au Rwanda. La société installe des smartphones sur les taxis-motos pour suivre le comportement des conducteurs dans un secteur informel et où les accidents sont légion. Ce qui permet un contrôle rigoureux de la conduite des chauffeurs. Une telle application permettra à coup sûr à une agence de voyage de contrôler le comportement irresponsable de ses chauffeurs. Mais il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas notre Etat qui imposera une telle rigueur à ces intouchables.

La Rédaction