La Banque mondiale vient de rendre public un rapport sur le Tchad intitulé : « Perspectives économiques et pauvreté au Tchad en 10 graphiques »

D’après la Banque mondiale, le Tchad a accompli des progrès en matière de réduction de la pauvreté, passant de 47 % de sa population en 2011 à 42 % en 2018. Cependant, note-t-elle, la crise de la Covid-19 est venue entraver les progrès économiques et sociaux, entraînant une récession et faisant passer dans l’extrême pauvreté des centaines de milliers de Tchadiens. Elle récapitule donc en dix (10) points la situation socioéconomique du Tchad.

1-Une seconde récession économique en cinq ans

La Banque mondiale relève qu’après la crise de 2015-2016, le Tchad a connu une reprise de courte durée, avant d’entrer à nouveau en récession en 2020. En 2018 et 2019, le pays avait renoué avec la croissance, principalement portée par l’augmentation de la production pétrolière, mais cette trajectoire s’est inversée avec la pandémie de COVID-19 et la baisse du prix du pétrole. En 2020, l’économie s’est contractée de 0,9 %. La reprise s’annonce donc graduelle et modeste.

2- La pandémie a limité l’accès des ménages aux services essentiels et a accru la pauvreté

Au cours de la dernière décennie, selon l’institution de Bretton Woods, le Tchad a accompli des progrès en matière de réduction de la pauvreté. Cependant, l’effet des pertes de revenus et la hausse de l’inflation ont entraîné une baisse de la consommation des ménages et une hausse de la part des habitants vivant sous le seuil national de pauvreté de 5,5 points de pourcentage en 2020. La fermeture des écoles a affecté les résultats en matière de scolarité des enfants, avec près de 90 % des élèves restant chez eux, sans aucun accès à des activités éducatives. La fermeture des écoles a accru les taux de décrochage et l’écart entre les sexes dans le domaine de l’éducation, estime la Banque mondiale. 

3- La plupart des ménages souffrent d’insécurité alimentaire sévère, particulièrement en zone rurale

Environ trois Tchadiens sur quatre vivent en situation d’insécurité alimentaire extrême, indique le rapport. Les habitants des zones rurales sont plus exposés à l’insécurité alimentaire que ceux des zones urbaines et ce sont les ménages vivant dans le nord et le centre du pays qui sont les plus touchés, par rapport au sud. « Cela est dû au mode de vie majoritairement pastoral des populations du nord et du centre tchadien, qui pratiquent l’élevage à la fois pour se nourrir et pour générer des revenus. Dans le sud, en revanche, les ménages se consacrent majoritairement à l’agriculture et produisent notamment des aliments de base comme le millet et le riz, ainsi que des cultures de rapport comme le coton », peut-on lire.

4- Les chocs récurrents exposent les ménages à la pauvreté

Plus de la moitié des Tchadiens sont vulnérables à la pauvreté, notamment 60 % des habitants des zones rurales et 29 % en zones urbaines, note la BM qui souligne que la sécheresse persistante a accéléré la désertification, réduit la superficie des zones agro-pastorales et provoqué un déplacement plus au sud des axes de transhumance. Ces déplacements de population ont avivé les tensions entre communautés d’agriculteurs et d’éleveurs. Par ailleurs, les aléas chroniques que rencontrent les familles, comme les maladies graves, les blessures ou les décès d’un de leurs membres, menacent les moyens de subsistance des ménages, qui dépendent de la main d’œuvre familiale pour les activités agricoles, précise le document.

5- Les petites exploitations agricoles et le pastoralisme restent les principales sources de moyens de subsistance

La Banque mondiale estime qu’environ 67 % des ménages ruraux exercent une activité dans la production végétale ou animale. Or, les réseaux d’irrigation couvrent moins de 1 % des terres agricoles. Le secteur agricole affiche donc des performances bien en deçà de son potentiel. Dans plus de 80 % des exploitations, les terres cultivées couvrent moins de deux hectares, pour un total qui ne représente que 6 % des terres arables du pays. « Les agriculteurs et les pasteurs ont le potentiel pour accélérer leur diversification en accroissant la valeur ajoutée au sein des chaînes de production en place. Il apparaît donc essentiel de renforcer la productivité des petites exploitations, d’augmenter l’accès au marché et de permettre aux ménages d’accéder à des mécanismes d’adaptation efficaces pour appuyer la croissance des revenus en milieu rural », préconise le rapport.

6- Seules 50 % des femmes font partie de la population active 

Seules 50 % des femmes font partie de la population active, par rapport à 73 % des hommes. De plus, les femmes sont moins susceptibles d’exercer dans le secteur formel et d’avoir une activité rémunérée. Elles ne bénéficient pas des mêmes opportunités professionnelles que les hommes, ou lorsque c’est le cas, elles sont plus susceptibles de travailler à temps partiel. Les femmes sont par conséquent moins productives et gagnent moins que les hommes. Cette situation creuse l’écart entre les sexes en matière de revenus et de productivité, réduisant d’autant leur capacité de négocier et de se faire entendre pour valoriser leur travail productif.

7- L’inégalité entre les sexes commence à l’école

Alors que les écarts en matière de scolarisation se résorbent, les jeunes tchadiennes atteignent encore des niveaux d’éducation moins élevés et des acquis d’apprentissage plus faibles que les garçons, mentionne le document. Le niveau d’éducation au Tchad est bien plus faible que la moyenne en Afrique subsaharienne. Selon l’indice du capital humain, une fille qui entre à l’école à 4 ans devrait suivre 6,2 années de scolarité, tandis qu’un garçon achèvera 7,7 années de scolarité. Les mariages d’enfants, les grossesses précoces, les mutilations génitales et l’excision sont pratiques courantes par rapport aux autres pays de la région. Environ 67 % des femmes sont mariées avant d’atteindre leurs 18 ans, renseigne la Banque mondiale.

8- La baisse des recettes pétrolières appelle des réformes structurelles ambitieuses pour dégager la marge budgétaire nécessaire au financement des dépenses sociales

Les recettes pétrolières ont été volatiles, avec une tendance à la baisse : elles représentaient 16 % du PIB en 2012 et ont chuté à 3 % du PIB en 2016. À 9% du PIB en 2021, leur niveau reste faible ce qui restreint la marge de manœuvre budgétaire du Tchad, entraînant une baisse des dépenses en capital, une croissance économique au ralenti, et des récessions. La BM pense donc que des actions ambitieuses sont  nécessaires pour inverser la tendance et stimuler la croissance économique.

9- Réduire l’écart entre les sexes en matière de productivité et de capital humain pourrait accroître le PIB par habitant de 13,5 %  

La Banque mondiale indique que la mise en place d’une politique favorisant la réduction de l’écart de productivité entre les sexes dans l’agriculture et l’accélération de la transition démographique pourrait accroître le PIB par habitant de 13,5 % d’ici 2050.

10- Le renforcement de la protection sociale permettra de réduire la pauvreté et d’améliorer la résilience des ménages

Selon le rapport, 63 % des ménages reçoivent une aide de leur famille ou amis, et 47 % ont recours à leur épargne pour faire face aux impacts des chocs. En outre, suite à un événement défavorable, environ 38 % des ménages pauvres réduisent leur consommation. Afin de permettre aux ménages de protéger leur capital physique, financier et surtout humain, les décideurs politiques devraient développer davantage des systèmes de protection sociale, recommandent les auteurs du rapport.