OPINION – Le Secrétaire d’Etat à la Santé publique, Djiddi Ali Sougoudi, s’est illustré en insultant ses compatriotes de « moutons » et « cons ». Il se complait depuis toujours dans cet exercice, mais ces injures sont de trop et il devrait en tirer les conséquences.
Dégoût. Écœurement. Colère… Aucun mot ne suffit à qualifier les sentiments des internautes tchadiens face à la dernière sortie du Secrétaire d’Etat à la Santé publique. « Il y a des moutons, des milliers de moutons qui ont cru que confiner N’Djaména, c’est confiner sa population. Il faut juste savoir faire le moins de con possible et en voici : confiner N’Djaména, c’est le confiner par rapport aux autres villes. La population n’djaménoise est soumise juste à une rigueur dans le respect des mesures de port de masque, de distanciation et d’évitement des attroupements. Compris ou non ? » Ainsi écrivait, sur son compte Facebook, Djiddi Ali Sougoudi (excusez de ne pas l’appeler « Dr », car cet individu ne mérite pas de porter ce titre).
Le Secrétaire d’État à la Santé publique faisait cette sortie immonde quelques minutes après que le ministre de la Santé publique et le coordinateur national de riposte sanitaire contre la pandémie venaient de faire une conférence de presse, retransmise en direct sur Facebook. Alors que Abdoulaye Sabre Fadoul et Pr Choua Ouchemi ont cru bon de dissiper les doutes et calmer les colères des Tchadiens, principalement ceux de la capitale, qui fustigeaient un décret présidentiel publié le 31 décembre 2020 et qui les confinait dans une prison à ciel ouvert pour une période d’une semaine renouvelable, Djiddi a choisi cet instant précis pour traiter ses compatriotes de « moutons » et de « cons ». Pourtant, au premier chef de ces « moutons » et « cons », il y a le ministre d’Etat, ministre Secrétaire général de la présidence (SGP), Payimi Kalzeubé Deubet, dont la mauvaise interprétation du décret avait plongé les deux millions d’habitants de N’Djamena dans le stress et la désolation, à la merci des exactions des policiers, gendarmes et militaires.
Le mur du son de l’insulte
Dimanche, Djiddi s’était déjà attiré une volée de bois vert sur Facebook en écrivant : « Confiner la capitale ou toute autre ville n’est pas qu’initiative tchadienne et ça se fait partout dans le monde. C’est la science qui le voudra ainsi pour éviter la propagation d’un virus et rien d’autre que de sauver des vies en réduisant les contaminations. N’Djaména ne sera ni affamé ni puni comme voudraient criailler certains esprits qui vivent eux-mêmes dans des villes confinées d’autres continents ». Une sortie odieuse, totalement à côté de la plaque. Vingt-quatre heures plus tard, il récidive et de quelle manière ! En franchissant le mur du son de l’insulte publique. Il s’est empressé de supprimer son post nauséabond, mais il ignore que les smartphones peuvent faire des merveilles ; certains compatriotes alertes ont eu le temps de faire des captures d’écran. Et depuis, les réactions scandalisées fusent de partout.
Oui, Djiddi se trompe sur le nombre des « moutons » et « cons » ; ils ne sont pas seulement « des milliers », mais plutôt « 15 millions » au moins qui ne comprennent pas comment un ministre de la République puisse ainsi toucher les fonds abyssaux de la bêtise, comment un individu pareil a-t-il été nommé vice-ministre de la Santé publique. Cet individu a l’insulte au bout des doigts, il devrait même mériter le surnom de « Djiddi la gaffe ». Il suffit de survoler son compte Facebook pour être saoulé par la pestilence des propos orduriers qu’il débite souvent dans ses posts: «Kirdi», «imbéciles», …et aujourd’hui «moutons» et «cons».
Certes, les paroles vindicatives alimentent régulièrement les discours de certains responsables politiques chez nous (Ahmat Mahamat Bâchir et Mahamat Zen Bada en tête de liste), mais avec Djiddi, nous avons atteint le summum de l’« ensauvagement » du langage politique. Jamais, au grand jamais, un ministre n’avait insulté 15 millions de Tchadiens. C’est une honte nationale.
« Un ministre ne devrait pas dire ça… »
Djiddi devrait lire « Un ministre ne devrait pas dire ça… » dans lequel l’ancien Secrétaire d’Etat français chargé du budget, Christian Eckert, reconnaît ses erreurs lors de son passage au gouvernement entre 2014 et 2017. Mais contrairement au français, il se prend pour un pédant qui croit connaître tout, mais ignore que quand on est ministre de la République, on ne crache pas à la figure de celui qui est le premier d’entre les ministres et de 15 millions de contribuables qui vous paient salaires et privilèges. Il oublie que le 17 juillet 2020, il écrivait sur son compte Facebook : « Je ne serai plus désormais le médecin intraitable, râleur et aux critiques acerbes. L’art est plus difficile que la critique d’une part, et d’autre part, je suis assujetti au devoir de réserve au sein d’un gouvernement dont le créneau est la solidarité entre les membres et le service envers la population », une population de « moutons » et de « cons ». Aujourd’hui, il s’est infligé un « coup de badangaï », du nom de sa chronique qu’il animait régulièrement sur Facebook ; un « coup de badangaï » dont il se souviendra longtemps.
Démission et justice
Peut-être, Djiddi mettra son orgueil de côté et demandera des excuses à ces millions de « moutons » et « cons », mais on ne devrait pas en rester là. Il doit démissionner car il n’est pas Panurge pour faire paître 15 millions de « moutons ». Il doit également répondre de ses odieuses injures devant la justice. Le ministre de la Justice, Djimet Arabi, si prompt à poursuivre l’opposant Saleh Kebzabo, doit se saisir du cas Djiddi et instruire le parquet d’ouvrir une procédure en flagrant délit pour injures publiques. Car au moment où le gouvernement lutte contre les discours de haine sur les réseaux sociaux, il est insupportable, abject de voir l’un de ses membres s’en livrer à cœur-joie. En mars 2020, le procureur de la République, Youssouf Tom, avait ouvert une information judiciaire contre des individus, principalement des femmes, qui faisaient circuler des audios véhiculant des « insultes ignominieuses, haineuses, déshonorantes, indignes à l’égard des groupes ethniques composant notre population ». Neuf mois après, nous ignorons la suite de cette information judicaire. Il a aujourd’hui du gros grain à moudre.
Au Maroc, le youtubeur Mohamed Sekkaki alias « Moul Kaskita » avait été condamné, en décembre 2019, à 4 ans de prison pour une séquence d’une douzaine de minutes dans laquelle il traite ses compatriotes d’« ânes » et d’« ignorants » qui « voient leurs droits bafoués sans piper mot ». Djiddi doit répondre des odieuses injures. Pour que cela lui serve de leçon ! Pour qu’aucun autre ministre ne se mette à insulter 15 millions d’hommes et de femmes qui lui paient ses émoluments.