Le ciel gris et automnal n’a pas découragé les Tchadiens qui se sont déplacés massivement les 13 et 14 novembre pour les concertations préparatoires au dialogue national inclusif de de la zone Europe. C’est au 23-25 rue Chaptal dans le 9e arrondissement de Paris que la diaspora tchadienne d’Angleterre, d’Allemagne, d’Italie, de la Suisse, de la Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas, et de la France s’est rassemblée. Une rencontre en présence d’une délégation du CODNI (Comité d’organisation du dialogue national inclusif) conduite par Ndolenodji Alixe Naimbaye, secrétaire d’État aux Finances et au Budget.

Tchadinfos vous le racontait dès le 13 novembre, ce pré-dialogue a été introduit par le discours du représentant de l’ambassadeur du Tchad en France et le mot de la cheffe de mission.

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Après les joies des retrouvailles, le programme de ces deux jours a été très studieux, voire laborieux. Cinq groupes de travail ont été organisés à partir des cinq thématiques retenues. Les tables-rondes ont réuni en grande majorité des hommes en costume noir rappelant un boys club. Les femmes n’étaient qu’une dizaine sur la centaine de participants. Si elles étaient rares, elles se sont tout de même fait remarquer. Madame Thiam née Hadjé Mahamat Maïnta était la seule femme candidate pour le présidium. Finalement, c’est un bureau 100 % masculin qui a été élu : le président, Feckoua Laoukissam Laurent, le vice-président, Djibrine Limane, et les deux rapporteurs, Makrada Maïna Manga et Kébir Mahamat Ahmat.

Le Presidium

Qu’à cela ne tienne ! Madame Thiam sera présidente du premier atelier intitulé “Paix, cohésion sociale et réconciliation nationale”. Un rôle qui lui allait comme un gant, tant elle a su s’imposer. Il faut dire que cette Tchadienne qui vit en France depuis 26 ans, à Montauban, est directrice d’un centre de loisirs. Elle a donc l’habitude de diriger. Cette table-ronde comptait le plus de membres, une vingtaine, qui se sont penchés sur les inégalités entre les citoyens tchadiens, l’injustice, les divisions et l’épineuse question de la paix. Le débat a été parfois houleux mais madame Thiam l’a dirigé de main de maître. Parmi les propositions de ce groupe de travail figurent notamment la lutte contre l’impunité avec une tolérance zéro, l’instauration d’un service civique après le baccalauréat, le désarmement des éleveurs et agriculteurs, la tenue des états généraux de l’armée, la réconciliation à l’exemple du Rwanda qui s’est illustré dans la gestion de la période post-génocide.

Madame Thiam née Hadjé Mahamat Maïnta

Le deuxième groupe de travail “Forme de l’État, constitution, réformes institutionnelles et processus électoral” était également présidé par une femme, Khadidja Touré. Au menu des discussions : fonctionnement de la justice, forme de l’État, durée de mandats du Président de la République, des députés, des sénateurs et des élus locaux. Ces deux derniers points ont beaucoup intéressé les participants. Ainsi, dans ses conclusions, cette commission propose un État fédéral pour “permettre un équilibre des balances au pouvoir”. Un fédéralisme basé sur l’entraide et conçu comme “un champ où chacun dispose d’une parcelle de terre”. Parmi les autres solutions, on note la réforme de la justice, la professionnalisation de l’administration et la fin du système de cooptation depuis le sommet.

Un groupe de travail

Le troisième atelier “Droits humains et libertés fondamentales” a réuni une dizaine de personnes dont deux femmes. Il était question entre autres de l’effectivité de l’exercice des libertés et des droits de l’Homme, des entraves à l’exercice des droits syndicaux, de la liberté de la presse et de la transparence du processus électoral au Tchad. Ce groupe dirigé par Zang-Nezoune Mahamat préconise notamment l’indépendance de la société civile par rapport à l’État et aux puissances économiques, la gratuité de la carte nationale d’identité tchadienne, la suppression de la mention marginale “profession” sur le passeport tchadien et augmenter sa validité à 10 ans non renouvelable, reconnaître la dignité humaine et l’égalité devant la loi, réformer le système éducatif et rendre l’école obligatoire dès 4 ans.

Le quatrième groupe de travail intitulé “Politiques publiques sectorielles” s’est penché sur la gouvernance des ressources publiques, le développement rural, la politique urbaine et l’importance du secteur extractif dans l’économie nationale. L’atelier présidé par Moussa Gody a réuni uniquement des hommes. Dans leur synthèse, ces messieurs proposent notamment la moralisation des politiques, la transparence et la simplification des procédures d’attribution des marchés publics, l’investissement dans le secteur agricole, la modernisation de l’élevage, et l’exclusion des fonctionnaires responsables de mauvaise gestion.

La dernière table-ronde “Questions sociétales” présidée par Kebder Apyang a travaillé entre autres sur l’interaction entre les valeurs modernes, traditionnelles et religieuses au Tchad, le bon usage des réseaux sociaux et la lutte contre la corruption. Parmi les solutions proposées, on relève notamment la priorité à l’éducation nationale, la formation des enseignants et de la jeunesse, l’enseignement des valeurs de liberté et de démocratie, la construction d’une administration neutre et compétente, une politique de retour au pays afin d’inciter la diaspora à participer au redressement national.

“Ce dialogue nous permet de crever les abcès pour aller de l’avant. D’ailleurs, on connaît les problèmes du Tchad. Si on appliquait seulement nos textes, le pays s’en porterait mieux.”

Rokoulmian Yorongar Le Moiban

Abdoulaye a fait le déplacement depuis l’Allemagne. Membre de la commission numéro 5, il se dit satisfait de la qualité des échanges et espère que les propositions de son groupe seront prises en compte. Rokoulmian Yorongar Le Moiban est venu de moins loin, de la ville de Lyon. Pour lui, sans dialogue, on ne peut pas progresser : “Ce dialogue nous permet de crever les abcès pour aller de l’avant. D’ailleurs, on connaît les problèmes du Tchad. Si on appliquait seulement nos textes, le pays s’en porterait mieux.”

L’ensemble des propositions des Tchadiens d’Europe a fait l’objet d’un rapport de vingt pages signé par le présidium et remis à la cheffe de mission, Alixe Ndolénodji Naïmbaye.