CULTURE : La musique tchadienne dispose d’un vivier plein de potentialités. De l’ancienne à la nouvelle génération, de nombreux talents sont repérables. Focus sur le rap tchadien qui suscite un débat tumultueux sur la toile ce dernier temps.

Bien qu’importé, ce mouvement culturel qui tire ses racines des années 70 dans les ghettos aux Etats-Unis conserve son envergure dénonciatrice, rassembleuse et ambiançante. Peu à peu, le rap s’est exporté pour ensuite connaitre des retouches à l’africaine. Au Tchad, il fait ses premières apparitions au printemps 1990.

Les ainés, Mc Satan, Imam T, Big Walker, Sultan Guy, Malick H, Big Alias… classés dans la catégorie de la vieille école ont marqué leur époque malgré les aléas de la vente et la diffusion classique. Place donc à une nouvelle génération à l’affût du digital, capitonnée des technologies novatrices : Internet, plateforme d’écoute digitale, support USB…

Qui de cette nouvelle génération pour tenir le flambeau de la relève ?

La nouvelle vague du paysage rap au Tchad se bouscule. Elle est de plus en plus nombreuse à produire une musique qualitativement vendable. Cette vague comprend les uns qui se déclarent meilleurs et d’autres qui font simplement le travail pour se faire une place. Ils font dans le même registre mais chacun avec sa particularité et sa touche. Des plus actifs dernièrement nous avons :

Le pape Massood
Après son titre “Kalamak” qui a eu un certain succès national, s’ensuit la diffusion du clip de la chanson “Maman” sur la chaine internationale Digital Black Music. Massood se positionne comme l’un des rares rappeurs de la nouvelle génération doté d’une originalité : rapper en langue locale. A son actif, un maxi single, quelques clips vidéo et un album digital “The Resistant” sorti en septembre dernier. Opus jusque-là peu vendu et consommé. Massood se revendique comme le meilleur rappeur de cette génération. Réputé pour son audace à faire des sorties sur les réseaux sociaux clamant son autorité dans le Game, Massood dégage une vivacité au-dessus de la moyenne sur scène. Il peut donc prétendre au trône.

Massood

Obie G
De cette nouvelle vague, Obie G est celui qui a le plus produit d’album, deux précisément. Le dernier en date “Picasso” est considéré par son producteur comme le meilleur album rap tchadien de tous les temps. Une affirmation vue d’un œil subjectif par beaucoup de consommateurs. L’album vient de sortir et en termes de qualité il est acceptable. Obie G, c’est aussi des titres à succès : PDM, Yadjama, Ah bon hein. Deux fois vainqueurs de la compétition Ndjam Hip Hop qui récompense le meilleur rappeur de l’année, Il est donc bien parti pour cette course au flambeau.

Obie G

MB’H
Redoutable en free-style, MB’H a véritablement fait son entrée dans le Game avec la chanson “Passer-dessus”, titre diffusé en continu pendant plus d’un an sur les ondes des radios du pays. Le clip, lui, s’est immiscé un petit temps dans la playlist MTV. Sa Technicité, appréciée par beaucoup d’ainés, MB’H, concrétise son caractère créatif avec le concept Koutangou qui en termes de chiffre a fait plus de 30 000 Stream, la première semaine de sa sortie sur Spotify. Une première dans la nouvelle génération. Même s’il clame de manière intelligente dans ses lyriques être le meilleur kickeur de sa génération, MB’H, est aussi lancé dans cette bataille pour le trône.

MB’H

Crazy Missy
Longtemps classée comme l’unique rappeuse de cette génération, Crazy Missy, est pourtant bien partie pour tenir le flambeau de la relève. Oui, le rap est un mouvement à part entière, catégoriser cette jeune uniquement à cause de son sexe, c’est douter de sa capacité. Si Nicky Minaj et Cardi B sont premières au Billboard Hot 100 (Classement hebdomadaire des 100 chansons les plus populaires aux États-Unis toutes catégories confondues), c’est pour tous les États-Unis. Crazy Missy dépasse bien des MC avec le flow, la rapidité, la présence scénique mais aussi la qualité de son produit et sa diffusion. Elle le confirme avec son album femme battante, Nan Lei Wa, Sang à l’œil, des titres qu’on écoute à longueur de journée sur les ondes mais aussi le clip Trop loin qualitativement exceptionnel.

Crazy Missy

Waïti
Waïti a fait sensation dès son entrée dans le Game avec le titre Trop Class, titre très apprécié en collaboration avec la chanteuse Lynci et Daison. Il reste l’un des premiers de cette jeune génération à avoir mis sur le marché un album. Rapper en anglais est son point fort. L’empereur du Game comme il se surnomme est aussi à ce jour l’un des plus diffusé de cette vague à l’international avec le clip de la chanson ‘’Habi’’ sur BBLACK Africa et DBM. Jusqu’ici, tous les hits de ce garçon sont en duo. Pourrait-il prétendre tenir ce flambeau ?

Waïti

Qim Zed
Il a cloué des becs à la sortie de “Pompier”, un extrait de l’album biberon vendu à ce jour par Mobile Money. Qim Zed a longtemps saturé la playlist Hit radio avec plusieurs titres : Posés (featuring Anonyme X Fire B), Ça on t’avait dit, Ça se passe comment.
Le plurilinguisme est la force de ce jeune, cette capacité à rapper en diverses langues locales avec une technique à la pointe de la musique urbaine fait de lui un aspirant sans le savoir à la relève du rap.

Qim Zed

En dehors de ces six artistes ayant déjà participé à un projet d’album en solo ou en commun, il y a une vague en amont : Enocko le gros, concepteur de Tamatoum, Rof Rider qui fait aussi un travail remarquable en multipliant des clips vidéos sur sa chaine YouTube, Nels jeune étudiant au Ghana qui aiguise son rap en anglais, Djaz B avec le concept ‘’Toi et tes caprices’’, Ghost MG, Tchobpa le mythe, Judavil, Magsopra, Mac Junior qui sont moyens mais aussi des bons rappeurs un peu oublié comme Fizzi Fiz, Cris John…

Il est important de rappeler que la musique actuelle ne saurait se dissocier de la vente, des chiffres, de la diffusion et des représentations à l’international. Ce sont, entre autres, les défis majeurs auxquels est confronté la nouvelle génération.