Depuis quelques années, certaines communes de la zone méridionale signent des contrats d’affermage avec des entreprises qui collectent des taxes sur les produits à l’exportation. Mais le cas de la commune de Moundou fait le plus parler. D’ailleurs, une entreprise a saisi la justice à ce sujet.

Ces contrats d’affermage concernent plusieurs produits mais le cas le plus emblématique est celui du sésame taxé à 2 000 FCFA le sac. Des voix s’élèvent régulièrement, au sein de ces collectivités et des hommes d’affaires, pour dénoncer ces contrats.

Ainsi, le 28 juin dernier, Al Sahaba Company, entreprise d’exploitation agricole, a saisi la chambre administrative du tribunal de grande instance de Moundou en vue d’obtenir la suspension de cette taxe sur les sacs de sésame dont l’appel d’offre est remporté en 2020 par la société MHM pour un contrat d’un an renouvelable.

Al Sahaba dénonce une taxe sans base légale que les autorités ont également condamné et qui fait gonfler les charges des sociétés exportatrices de sésame. C’est pourquoi, cette société a saisi le juge à « l’effet d’ordonner d’abord la suspension en référé puis l’annulation de cette taxe à l’occasion de la procédure de fond », peut-on lire dans l’ordonnance de référé administrative No 004 du 6 août 2021 rendue par le président du tribunal de grande instance de Moundou, Louapambé Mahouli Bruno.

La commune de Moundou, représenté par le cabinet de Me Mognan Kembetiade a demandé au juge de référé administratif de se déclarer incompétent et de renvoyer la requérante à mieux se pourvoir, car « le contentieux porte sur taxe » et qu’il s’agit donc d’un « contentieux fiscal ».

Mais le juge a rejeté les prétentions de la Commune de Moundou et dit que la chambre administrative du tribunal de grande instance est compétente pour connaitre de ce contentieux. Il s’est basé sur l’article L154 du Livre des procédures fiscales qui dispose qu’ « en matière d’impôts directs et de la taxe sur la valeur ajoutée ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l’Administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entièrement satisfaction aux intéressés, peuvent être attaquées devant le juge administratif, conformément à la Loi No 012/PR/2013 portant organisation et fonctionnement des juridictions statuant en matière des contentieux administratifs ».

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Le juge a ensuite déclaré la requête recevable. Puis, s’étant fondé sur divers documents du gouvernement et de l’Inspection générale d’Etat enjoignant à la commune de Moundou de surseoir à cette taxe, le président du tribunal de grande instance de Moundou a ordonné la suspension de cette taxe.

La commune de Moundou contrattaque

Après cette décision, la commune de Moundou a saisi la chambre administrative de la Cour suprême, cette fois-ci avec pour conseil, Me Jean Sirina. Le 18 août, la Cour suprême ordonne à son tour le sursis à exécution de l’ordonnance No 004 du 6 août rendue par le président du tribunal de grande instance de Moundou. Ce qui signifie que la commune peut continuer à percevoir cette taxe.

Selon Me Jean Sirina, en termes de base légale, c’est le conseil municipal qui a délibéré pour fixer cette taxe, une prérogative que lui reconnaissent les textes sur les collectivités territoriales décentralisées. En outre, il rappelle que l’Inspection générale d’Etat, saisie le 22 mars 2021 par le gouverneur de la province du Logone occidental sur le fait que la commune était incapable de collecter cette taxe, a levé partiellement et provisoirement la mesure de suspension de cette taxe. D’où, renchérit-il, la poursuite de la collecte de la taxe « qui supporte essentiellement le salaire du personnel de la commune de Moundou ».

C’est ainsi, indique Me Jean Sirina, en attendant de voir l’affaire au fond, ils ont demandé le sursis à exécution en urgence  de l’ordonnance du tribunal de Moundou. Il souligne que les conditions de péril (sans cette taxe, les salaires ne vont pas être payés) et l’urgence (l’ordonnance du tribunal de Moundou qui ordonne la suspension de cette taxe) étant réunies, c’est ainsi que, de manière conservatoire, ils ont sollicité « le sursis des effets de cette ordonnance pour permettre à la commune de Moundou de percevoir cette taxe pour faire face à ses charges ».