En ce début d’avril, les prix de la quasi-totalité des aliments qui composent le menu des Tchadiens connaissent une hausse inouïe et inquiétante. Laissant presque indifférentes les associations chargées de défendre les consommateurs.

A titre illustratif, à Pala, ville agricole par excellence, située au sud-ouest, un sac de maïs, dont la farine est consommée dans presque tous les ménages, côtoie les 20 000 frs. Un sac d’arachide d’environ 60 kg s’achète autour de 45 000 frs dans la même ville. Alors que des prix aussi élevés, rares en pareille période, sont généralement atteints pendant les moments de famine, entre juin et août. Mais ils grimpent malgré l’interdiction, par les autorités locales, de l’exportation des céréales et oléagineux produits localement.

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À N’Djaména, à l’approche de la saison des pluies, le prix d’un sac de maïs avoisine les 30 000 francs dans les marchés ; le prix d’une baguette de pain, très consommé par les N’Djaménois, qui l’associent volontiers à un plat de viande grillée, est passé de 100 à 150 frs dans les kiosques des quartiers. Les prix des denrées comme l’huile, le riz, etc. ne sont plus à la portée des ménages. Un litre et demi d’huile d’arachide, produite sur place, coûte environ 2 500 frs.

Vox-pop au marché central sur la flambée des prix

Avec le Ramadan, qui vient de débuter, les consommateurs ressentent au plus profond d’eux la cherté des denrées de base. Ali Youssouf, un utilisateur de Facebook n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour interpeller, par une publication sur sa page, les autorités. « Le ministre de Commerce doit mettre sur pied une commission en impliquant l’association des droits des consommateurs afin de réguler les prix des denrées alimentaires, qui grimpent en flèche tous les jours. Les commerçants ne doivent pas continuer à pénaliser les populations comme bon leur semble », a-t-il lancé. 

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Si certains observateurs s’accordent à dire que la flambée des denrées alimentaires est entrainée par la guerre que la Russie fait à l’Ukraine (les deux pays étant respectivement 3e et 8e au classement mondial des producteurs de blé selon Wheat, FAOSTAT, Food and Agriculture), d’autres, comme Ali Youssouf, pointent du doigt un manque de prévention et de contrôle de la part de l’État.

À juste titre, lors de la célébration de la Journée mondiale de la femme, le président du Conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss Déby Itno, a regretté que les mesures prises par le gouvernement pour favoriser l’importation des denrées alimentaires par la réduction des taxes ne soient pas suivies d’effet. « Afin d’alléger le panier de la ménagère, le gouvernement avait exonéré l’importation des denrées alimentaires, mais force est de constater la persistance de la cherté de vie ».

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Constat repris par le ministre de Commerce, Dr Ali Djadda Campard, qui a nuancé en invoquant un problème mondial avant d’accuser le coût du transport et les taxes douanières. A ces causes, il faut ajouter la faible récolte de la dernière saison, résultante directe d’une pluviométrie de plus en plus médiocre, et la surenchère à laquelle les commerçants se livrent, profitant de la défaillance des services de l’État, en augmentant délibérément les prix des produits à chaque période de ramadan.

Mais comme le problème est déjà là, comment faire pour que les Tchadiens continuent à manger sans dépenser plus ? En clair, comment faire pour que, avec les mêmes moyens, la ménagère rentre du marché de Dembé avec un couffin garni ?

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C’est ici qu’intervient le rôle des associations de défense des droits humains et ou des droits des consommateurs. Puisque l’État a quasiment failli, sans exception, celles-ci devraient se mobiliser pour lui demander d’assumer sa mission régalienne ; celle qui consiste à réguler les prix en empêchant les commerçants véreux de les augmenter, sans raisons, contrôler l’application des exonérations par les services douaniers et enfin subventionner certains produits importés.

 Mais, au lieu de cela, force est de constater que les ADC (Associations de défense des droits des consommateurs) et les ADH (Associations de défense des droits de l’homme) voient et ne disent rien ou, tout au plus, se contentent des interpellations laconiques.