Parrain historique de la Centrafrique, le régime tchadien a désormais décidé d’imposer directement sa loi à Bangui via le président de transition Michel Djotodia pour étouffer toute tentative de déstabilisation de sa frontière, selon des sources diplomatiques et militaires.

Après avoir soutenu à bout de bras – y compris financièrement – le régime centrafricain de François Bozizé pendant des années, le président Idriss Deby Itno l’a laissé brutalement tombé – le jugeant incapable de garantir la stabilité de la longue frontière commune entre les deux pays – et a imposé un nouveau président à Bangui au début 2013.

«Sans l’aide de N’Djamena, Djotodia ne serait jamais rentré dans Bangui» à la tête des rebelles de la Séléka, le 24 mars, rappelle un diplomate africain. Des combattants d’origine tchadienne fournissent un bonne part des forces de Michel Djotodia. Et l’armée tchadienne apporte le contingent le plus nombreux de la force africaine déployée à Bangui.

Cette politique d’intervention directe en Centrafrique tient en grande partie à l’histoire personnelle du chef de l’Etat tchadien. «Par expérience, il sait qu’à N’Djamena, le danger vient des zones frontières», explique ce diplomate.

En 1990, pour renverser le président tchadien Hissène Habré, il avait lui lui-même lancé son offensive depuis les confins tchado-soudanais. En 2008, où son pouvoir a vacillé quand des rebelles sont parvenus jusqu’aux grilles du palais présidentiel de N’Djamena, les colonnes insurgés venaient là aussi de la frontière soudanaise.

«Cette affaire l’a marqué. Depuis, il veut étouffer dans l’oeuf toute tentative de déstabilisation à ses frontières», explique un officier supérieur africain basé à Bangui.

Selon un diplomate occidental en Centrafrique, c’est d’ailleurs cette logique qui a amené N’Djamena à intervenir en première ligne aux côtés des Français au Mali contre des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda. «Idriss Déby préférait se battre contre eux à l’étranger, plutôt que d’avoir à les affronter un jour au Tchad».

Un général pour ambassadeur

Et grâce à l’argent du pétrole, le régime tchadien a désormais les moyens de sa politique. A coups de pétro-CFA, il a en effet entièrement rééquipé son armée.

Maintenant, la priorité, c’est la Centrafrique, comme l’a encore rappelé le 19 septembre le président Idriss Deby en affirmant que le chaos chez son voisin du sud risquait d’en faire «un sanctuaire de terroristes».

Traditionnellement, l’ambassadeur du Tchad à Bangui est un homme de confiance pour N’Djamena, selon une source diplomatique tchadienne: «il n’est pas là pour faire de la figuration».

Le profil pour le moins atypique du titulaire du poste, le très discret et influent Mahamat Bechir Cherif Daoussa, illustre les préoccupations d’Idriss Deby en Centrafrique.

Général de gendarmerie, c’est son premier poste diplomatique. Mais il a été successivement directeur général de la police nationale, gouverneur de Moundou (sud), région frontalière de la Centrafrique, et secrétaire d’Etat à la Sécurité.

Si le Tchad prend directement en charge le dossier centrafricain, c’est également en raison de l’absence de ses voisins et du retrait relatif de la France – qui maintient toutefois un détachement de 400 hommes à l’aéroport de Bangui, selon plusieurs diplomates africains.

Il ne peut laisser la main aux deux Soudan, du fait de la défiance historique entre N’Djamena et Khartoum. La RDCongo est engluée dans ses propres problèmes internes. Le Congo-Brazzaville joue certes un rôle de médiateur mais ne peut guère faire plus. Quant au Cameroun, «le président Paul Biya se désintéresse totalement des affaires de la région», déplore un responsable onusien.

AFP