Le 24 octobre 2024, après plusieurs mois de silence et d’inquiétudes croissantes, les autorités burkinabè ont finalement brisé le silence concernant la disparition de trois journalistes, Atiana Serge Oulon, Adama Bayala, et Kalifara Séré. Ces derniers, portés disparus depuis juin, auraient été réquisitionnés par l’armée, comme l’ont révélé les représentants du Burkina Faso lors de la 81e session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) à Banjul, en Gambie selon RSF

Cette déclaration faite par Marcel Zongo, directeur général des droits humains au ministère de la Justice, a surpris de nombreux observateurs. “Ils n’ont pas fait l’objet de disparitions forcées”, a-t-il affirmé, précisant que les journalistes avaient été réquisitionnés conformément au décret de mobilisation générale. Cependant, aucune information n’a été fournie sur l’état de santé ou la localisation précise des journalistes, une situation dénoncée par l’organisation Reporters sans frontières (RSF).

Une conscription pour réduire au silence

Selon RSF, ces enrôlements forcés représentent une atteinte grave à la liberté de la presse et visent à museler les voix critiques du pouvoir. Serge Oulon, directeur de publication du journal d’investigation L’Événement, et les deux chroniqueurs Adama Bayala et Kalifara Séré, invités réguliers sur la chaîne BF1, sont reconnus pour leur critique acerbe de l’administration actuelle. Leur disparition brutale en juin a provoqué une vive inquiétude dans les milieux médiatiques du pays, d’autant plus qu’aucune information n’avait filtré jusqu’à cette récente révélation.

Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, a fermement condamné cette pratique. “Ces conscriptions, une pratique extrême, visent à punir et réduire au silence des journalistes d’investigation critiques du pouvoir. RSF demande des clarifications immédiates quant à leur état de santé et leur lieu de détention,” a-t-il déclaré, appelant également à la libération immédiate d’Alain Traoré, un autre journaliste toujours porté disparu.

Une mobilisation internationale pour la libération des journalistes

Face à cette situation, RSF a mobilisé une cinquantaine de journalistes africains pour signer une tribune exigeant des réponses des autorités burkinabè. L’organisation a également saisi la CADHP, provoquant ainsi l’interpellation de la délégation burkinabè lors de la session à Banjul. Toutefois, les autorités n’ont pas évoqué le sort d’Alain Traoré, rédacteur en chef du bureau “Langues nationales” du groupe de presse privé Oméga Médias, disparu dans des conditions similaires.

Cela fait aujourd’hui quatre mois, jour pour jour que Serge Oulon a été enlevé à son domicile par des agents présumés de l’Agence nationale de Renseignements (ANR). La réquisition de ces journalistes, selon les autorités, serait liée à des mesures de mobilisation générale, mais cette explication laisse de nombreuses questions en suspens. RSF insiste pour que des informations supplémentaires soient fournies et pour que ces journalistes puissent reprendre leur travail en toute sécurité.

Eric Ngarlem Toldé