C’est à l’âge de 12 ans que Bedingar Ngarossorang a commencé à fumer le tabac. 15 ans après une dépendance qui lui vaudra d’être hospitalisé, il parvient à se défaire de l’emprise de ce produit toxique. Aujourd’hui, Bedingar est le coordinateur de la Croix-bleue tchadienne. Il fait désormais front contre le tabagisme. Tchadinfos a recueilli son témoignage.

Ce 31 mai se célèbre la journée mondiale sans tabac. Bedingar Ngarossorang, coordinateur de la Croix-bleue tchadienne, s’active à la veille, à son bureau à régler les derniers détails pour mieux la célébrer. L’organisation prévoit notamment une conférence de presse sur le thème : « le tabac, une menace pour l’environnement ».

Il y a 27 ans, l’on pouvait difficilement imaginer Bedingar être dans ce rôle. Très jeune, à 12 ans seulement, pendant son entrée au collège, il commence à fumer le tabac. « Ce sont des mauvais souvenirs. J’ai commencé à fumer quand j’allais en sixième. J’étais un enfant très timide mais brillant à l’école. J’avais des condisciples qui étaient plus grands que moi. Et la première fois que c’était arrivé, c’était lors d’une surprise partie. Comme j’étais timide, et compte tenu de mes qualités, j’étais le président du club. Ils m’avaient demandé de prononcer un discours ce soir devant les filles et autres. Pour vaincre ma timidité, un ami m’a proposé d’aller prendre de la boisson alcoolisée et de fumer. C’est ainsi que j’ai commencé », se rappelle-t-il.

L’entourage familial de Bedingar commence à soupçonner sa déviance. Principalement son père. « A un moment, mon père s’était rendu compte, parce que quand je rentrais, il sentait des odeurs bizarres. Il m’avait demandé si je fumais, je lui ai dit non. J’étais dans le déni. Il avait un jour fouillé dans mon sac, et il était effectivement tombé sur un bâton de cigarette. Il m’avait bien fouetté ».

Malgré cette correction, le fils de gendarme n’arrête pas de fumer. Il se cache pour le faire et en devient accro. « J’étais devenu accro au point ou certaines fois la nuit, il me fallait absolument mes bâtons de cigarette avant d’apprendre mes leçons ». Une habitude qu’il garde jusqu’à son entrée à l’université nationale du Benin. « Là-bas, je fumais fort ». Parfois, il consomme plus d’un paquet par jour. Étant « un peu gâté », les sous ne sont pas un souci.

Les études achevées, il rentre malade au pays. Des « problèmes » au niveau du poumon. Emmené en médecine 5 de l’hôpital de référence nationale, la consigne médicale est claire : il doit arrêter de fumer.  « On m’a dit si je n’arrêtais pas de fumer, ça allait être fini pour moi ».

Alors âgé de 27 ans, il accepte d’arrêter de fumer et est mis sous-traitement. Depuis 1995, Bedingar n’a plus retouché un bâton de cigarette. « J’ai 27 ans sans cigarette », se réjouit-il.

Le processus d’arrêt n’est pas facile. « Parce que ce n’est pas facile d’arrêter de fumer. Je faisais des tentatives d’arrêt mais je reprenais. Cette fois-là, j’étais décidé. Mon état de santé en dépendait aussi. J’étais vraiment affaibli. J’ai connu une religieuse qui s’était engagée dans l’église catholique pour mener la sensibilisation de la lutte contre l’alcool. Avec elle, nous avons fondé le Centre diocésain de la recherche et d’action d’alcoologie (Cedira). Elle m’avait mis dans les groupes de prière. Cela m’a renforcé. Ceux qui m’ont initié à la consommation du tabac, la plupart sont morts. J’ai la chance de vivre encore, heureusement j’ai arrêté tôt ».

Aujourd’hui, coordinateur de la Croix-bleue tchadienne, Bedingar pense que les fumeurs du tabac sont des gens qui souffrent et qui ont besoin d’aide. « C’est un produit qui n’apporte rien à l’organisme mais qui crée une dépendance très forte. Je comprends ceux qui ont du mal à arrêter de fumer. Mais j’aimerais leur dire que c’est possible de sortir de cette dépendance. On a l’impression que ça nous inspire, que ça nous rend différents. Au contraire, ça détruit. Le tabac ne règle aucun problème », tranche l’ancien fumeur.

Pour pouvoir s’en sortir, bien que ça soit difficile, on peut se faire aider. Et des structures comme le Cedira, la Croix-bleue tchadienne sont dédiées à cette cause. Au niveau du Programme national de lutte contre le tabagisme, des médecins ont été formés sur le sevrage tabagique. Il y a aussi tout un accompagnement psychologique. « En plus de détruire l’organisme, il faut dire que le tabac détruit notre environnement. Il agit sur le changement climatique. Un mégot de cigarette jeté fait dix ans pour se détruire.  Le tabac contient plus de 4000 substances toxiques parmi lesquelles 40 sont cancérigènes. Les gens pensent que le commerce du tabac rapporte des recettes à l’État. Si on compare aux dépenses que l’État fait par rapport aux personnes qui souffrent de maladie liées au tabagisme, elles sont énormes. Le tabac t’abat », conclut Ngarossorang.