Bara 2, un village meurtri par une récente tragédie, a reçu une forte délégation venue de la capitale N’Djamena pour compatir avec les parents endeuillés et apporter un message d’espoir. Cette mission de haut niveau, composée de membres du gouvernement, de conseillers nationaux, de hautes personnalités et de représentants de divers secteurs, a pour objectif de soutenir les habitants de Bara 2 dans cette période difficile et de plaider en faveur de la justice.

Le village de Bara 2, situé dans la Sous-préfecture de Bouna, canton Bengoro, département de Barh Sara, est le foyer de plus de 8 000 âmes majoritairement issues de l’ethnie Daye. C’est une communauté dynamique et travailleuse, considérée comme l’économie florissante de la sous-préfecture. À première vue, Bara 2 se distingue par son dynamisme commercial, ses habitations bien entretenues, son bétail en bonne santé et ses greniers remplis de récoltes abondantes. La jeunesse active et engagée joue un rôle essentiel dans la vie du village.

La délégation de N’Djamena a été accueillie à Koumra vers 8h par des officiels, bien que le gouverneur de la province, Adoum Fortey, soit absent, car il se trouve avec son équipe sur le terrain, à mi-chemin entre le village de Bara 2 et le campement des éleveurs impliqués dans le massacre de neuf personnes, hommes, femmes et enfants.

Peu après midi, la délégation pénètre dans le village de Bara 2, mais les rues semblent désertes, donnant l’impression d’un village fantôme. La population s’est rassemblée sur la place publique, une foule immense attend avec impatience l’arrivée de la délégation venue de la capitale. L’émotion est palpable, les femmes en pleurs, le visage entre les mains, symbole de désarroi et de calamité, entourées de milliers d’hommes, principalement des jeunes et des enfants, pour la plupart armés de couteaux de jet, de sagaies, d’arcs, de gourdins, et bien d’autres. Leurs pleurs déchirants plongent l’atmosphère dans un état morbide, rappelant la gravité de la situation. En effet, ils ont récemment enterré neuf des leurs, victimes de la bêtise et de la barbarie humaine.

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Dans cette ambiance de cris et de pleurs, les chefs traditionnels et le gouverneur de la province accueillent la délégation. Après les salutations d’usage, l’assemblée s’installe et les discours commencent.

Le gouverneur de la province prend la parole pour souhaiter la bienvenue, mais également pour dresser le bilan des événements tragiques et exposer la situation actuelle. Il cède ensuite la parole aux autorités locales et aux forces vives du village. Les représentants des jeunes, des femmes, des sages, des chefs traditionnels et des religieux se succèdent alors au micro. Leurs discours portent essentiellement sur la quête de justice. Ils soulèvent des questions cruciales, comme la présence d’éleveurs armés de manière disproportionnée, la répétition de ces conflits meurtriers, le sentiment d’abandon et le fait que ce sont des allogènes qui viennent les massacrer sur leurs propres terres. Consternation, colère, résignation, quête de vengeance et interrogations rythment les prises de parole. Les mots, traduits fidèlement par un talentueux interprète, reflètent la gravité de la situation et l’urgence de trouver des solutions.

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Ensuite, les membres de la délégation de N’Djamena prennent la parole. Asdjim Belndoum, conseiller national et éminent membre du Conseil national de la jeunesse, originaire de la région, s’adresse à la population de Bara 2 dans leur langue maternelle, le Daye. Il exprime sa profonde tristesse et rappelle la raison de leur présence, non pas en tant que représentants officiels, mais en tant que fils et filles de la région, touchés par la tragédie que vivent leurs compatriotes. Ils sont venus pour compatir, essuyer leurs larmes et contribuer à résoudre ce conflit en utilisant tout leur poids pour obtenir justice.

Ensuite, les conseillers nationaux Tolkom Manadji Bertin et Ngartoïdé Blaise, ainsi que la conseillère spéciale du président de la transition, Padja Ruth Tedebé, tous originaires de la province, abondent dans le même sens pour apaiser les rancoeurs et appeler à la réconciliation. La ministre Amina Priscille Longoh, cheffe de la délégation, clôture les discours en délivrant un message puissant, émouvant et chargé d’espoir dans la langue Mbaye. Elle se fait porte-parole du président de la Transition, Mahamat Idriss Deby Itno, affirmant que ce dernier suit de près cette affaire et donne toutes les instructions nécessaires pour faire toute la lumière sur ces événements. Elle rappelle que le chef de l’État, à travers sa politique, œuvre pour un Tchad en paix, où tous les enfants du pays peuvent vivre en harmonie, sans être inquiétés pour leur origine ou autre. En tant que fille de la région, elle s’adresse à ses sœurs qui portent le poids de la douleur du deuil et leur transmet un message de compassion et d’empathie. Elle exhorte toutes les parties à la retenue et à faire confiance en la justice. Elle s’engage personnellement à suivre de près cette affaire jusqu’à ce qu’une résolution soit trouvée. Elle exprime également sa gratitude envers le gouverneur et son équipe pour leur réactivité qui a permis l’arrestation de 42 personnes impliquées dans le massacre, dont 7 directement responsables, et la saisie d’une dizaine d’armes de guerre de type AK47, communément appelées Kalashnikovs, ainsi que des munitions.

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Ces prises de parole ont permis aux victimes de libérer leur cœur et de partager leurs souffrances. Cet exercice a contribué à détendre l’atmosphère et à apaiser les tensions. La délégation se rend ensuite sur le lieu d’inhumation des neuf victimes pour se recueillir et adresser des prières. Ensuite, une réunion en comité restreint a lieu entre les chefs traditionnels, le gouverneur et la délégation, au cours de laquelle des recommandations fermes sont formulées à l’attention du gouverneur et de la délégation.

Tout le monde, à l’exception des chefs du village de Bara 2, se rend ensuite au ferrick, où une autre réunion de deux heures a lieu avec l’ensemble des représentants des forces de défense et de l’ordre, ainsi que le gouverneur, les procureurs de Moissala et de Koumra. Dans une atmosphère empreinte de franchise, des échanges francs ont lieu et des attentes sont exprimées. La situation la plus préoccupante concerne les deux personnes portées disparues qui manquent à l’appel. Il s’agit de deux jeunes frères, à peine trentenaires, mariés et pères de famille, qui ont disparu depuis le premier jour de la crise. Leur champ est situé en face du ferrick, et tout porte à croire qu’ils ont été parmi les premières victimes. On ignore s’ils sont encore en vie ou s’ils ont perdu la vie. Leur père, terrassé par le chagrin, prend la parole avec force, après les représentants des forces vives du village de Bara 2, et exprime toute sa douleur. Il réclame ses enfants et, s’ils sont décédés, il demande à récupérer leurs corps.

Après cette dernière réunion, qui permet de faire le point et d’établir un plan d’action clair, la délégation reprend la route pour rejoindre Koumra.

Cet article grand reportage a été rédigé par notre envoyé spécial à Bara 2, qui a pu témoigner de la profonde douleur et du désarroi des habitants, ainsi que des efforts déployés par la délégation pour apporter du réconfort et trouver des solutions à cette tragédie. La région du Mandoul est en deuil, mais la visite de cette délégation marque une étape importante dans la quête de justice et de réconciliation. Le peuple de Bara 2 attend avec impatience que les responsables soient traduits en justice et que la paix revienne dans la région.