Ce lundi 17 août, le baccalauréat 2020 a été lancé. Différentes interrogations entourent cette session marquée par la crise sanitaire, notamment le taux de réussite. Djimrassem Thalès, pédagogue et enseignant-chercheur à l’université de N’Djamena, se livre sur ces questions dans un entretien accordée à Tchadinfos.com.

Décidemment, les différentes sessions du baccalauréat sont hantées par des évènements qui bouleversent d’une manière ou d’une autre son cours normal. Et cette année encore, à défaut des grèves des enseignants, c’est le coronavirus qui s’y met. Déclarée le 19 mars au Tchad, la covid-19 a fait plané son ombre sur presque tous les domaines du pays, et l’éducation n’est pas du reste.

« Il y a eu une perturbation généralisée dans l’ensemble du système éducatif tchadien dans la mesure où les écoles n’ont organisé que deux trimestres », fait remarquer Djimrassem Thalès. Alors que, ajoute-t-il, « du point de vu pédagogique, il faut absolument trois trimestres ». C’est ainsi que différentes stratégies ont été mises en place par le gouvernement tchadien. Ces stratégies rappelle, l’enseignant-chercheur, sont entre autres La diffusion des cours à la radio et à la télévision. « Ces cours n’ont pas donné des résultats escomptés dans la mesure où c’est une initiative précipitée parce que les gens n’ont pas été préparés pour une telle initiative et les conditions matérielles ne permettent pas d’assurer un tel enseignement.  Et certains parents ne disposent pas de moyens pour suivre ces médias. En plus, il faut relever les délestages intempestifs », déplore-t-il. Ces programmes, de poursuivre le pédagogue, ont été par la suite suspendus, ce qui signifie que les élèves sont abandonnés.

Selon lui, « les élèves ne sont pas outillés parce que tous les contenus des matières n’ont pas été suffisamment dispensés ». Il souligne qu’à certains moments, il a été demandé aux enseignants de faire des polycopies des cours et les remettre aux élèves   « mais on se pose la question de savoir si nos élèves à eux seuls peuvent exploiter ces polycopies », s’interroge-t-il.

De ces constats,  Djimrassem Thalès estime que le système éducatif tchadien est plus ou moins par terre. A titre de comparaison, il évoque le Kenya, « très avancé dans le domaine de l’éducation mais qui a déclaré l’année blanche au vu de la situation sanitaire ». Si ça dépendait de moi, suggère-t-il, « on aurait dû reporter les examens pour le mois de novembre ou décembre afin de les préparer suffisamment ». L’enseignant trouve qu’Il y a une dimension psychologique qui entre en jeu. « Avec ce contexte marqué par la covid-19, il y a la peur, il y a la panique », avance-t-il. Il ajoute ensuite que le mois d’août n’est pas adapté pour les examens au Tchad en raison de mauvaises conditions et de manque d’infrastructures dans les campagnes.

Pour toutes ces raisons, l’enseignant-chercheur estime que les résultats de cette session du baccalauréat ne seraient pas satisfaisants. « Du point de vu de la raison ou de la réalité, en tenant compte des critères d’évaluation objective, l’on ne pourrait pas avoir un résultat au-delà de 10%», projette-t-il.

Thalès insiste sur la dimension pédagogique dans l’organisation du baccalauréat. « L’essentiel n’est pas de distribuer des diplômes aux jeunes. Après l’obtention du bac, le jeune est appelé à poursuivre les études universitaires ou professionnelles.» Indique-t-il avant de s’interroger sur les capacités des futurs bacheliers de cette session à affronter les études supérieures. Il en conclut que le système éducatif est en train d’être discrédité. C’est pourquoi, il conseille qu’il faudra faire prévaloir l’aspect pédagogique sur l’aspect politique.  

NDALET POHOL-GAMO