L’alcoolisme est un défi majeur au Tchad. Le Centre de Recherche-Action en Alcoologie (CEDIRAA) joue un rôle crucial dans la lutte contre ce fléau. De la recherche approfondie sur les causes et les conséquences de l’alcoolisme à la sensibilisation du public, le CEDIRAA s’engage pleinement pour un changement positif dans les communautés locales. Interview avec Baah-keune Bandjang Francis, chargé de communication du CEDIRAA.

Pouvez-vous nous décrire les principales missions de votre centre en matière de recherche-action en alcoologie ?

Notre centre se consacre à la prévention et à la réduction des méfaits liés à l’alcoolisme à travers diverses initiatives de recherche-action. Nos missions principales incluent recherche et analyse sur l’etude des causes et les conséquences de la consommation d’alcool pour développer des stratégies efficaces de prévention et d’intervention. Mais aussi, on travaille à la mise en place des programmes de sensibilisation et de prévention dans les communautés locales; de Former les professionnels de la santé et le public sur les risques liés à l’alcoolisme et les méthodes de prévention. Et de travailler en partenariat avec des institutions locales et internationales pour renforcer les efforts de lutte contre l’alcoolisme.

Quels sont les programmes ou initiatives les plus récents que vous avez mis en place pour lutter contre l’alcoolisme ?

L’une de nos initiatives la plus récente est “Janvier Sobre”, une campagne inspirée de “Dry January” au Royaume-Uni. Cette initiative, lancée en janvier, encourage les individus à s’abstenir de consommer de l’alcool pendant un mois pour observer les impacts sur leur santé, leurs finances et leur bien-être général. Nous venons de célébrer la troisième édition de cette initiative au Tchad, avec une participation croissante chaque année.

Comment collaborez-vous avec les autres institutions (hôpitaux, associations, etc.) dans le cadre de la lutte contre l’alcoolisme ?

Nous collaborons étroitement avec plusieurs hôpitaux, notamment l’hôpital Tchad-Chine et l’hôpital Notre-Dame de Sarh. Notre collaboration se concentre principalement sur la sensibilisation des femmes enceintes aux dangers de l’alcool pendant la grossesse. Nous travaillons également avec des associations locales et le ministère de la Santé pour renforcer nos efforts de prévention.

Quels types de recherches menez-vous actuellement sur les causes et les conséquences de l’alcoolisme ?

Nos recherches actuelles se concentrent sur les facteurs contribuant à la consommation excessive d’alcool au Tchad, tels que les impacts des guerres et conflits sur le stress et la consommation d’alcool; le chômage et la frustration chez les jeunes diplômés; l’alcoolisme dans les populations marginalisées; et les pressions sociales et culturelles qui favorisent la consommation d’alcool.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans vos actions et recherches ?

Nous rencontrons plusieurs difficultés, notamment l’application insuffisante des lois et régulations existantes, comme l’interdiction des débits de boisson à proximité des écoles et la vente de boissons frelatées. Le manque de sanctions pour ceux qui enfreignent ces lois. La difficulté de changer les comportements culturels profondément enracinés.

Comment évaluez-vous l’impact de vos programmes sur la réduction de la consommation d’alcool et l’amélioration de la santé des patients ?

Nos efforts ont eu un impact significatif. En 2014, le Tchad était le premier pays au monde en consommation d’alcool. Aujourd’hui, grâce à notre travail, celui du ministère de la Santé, de la Croix Bleue et du Programme national de Lutte contre l’Alcool, le Tchad n’est plus parmi les 10 premiers pays consommateurs d’alcool.

Pouvez-vous nous parler des partenariats que vous avez établis avec des organisations locales ou internationales ?

Nous avons des partenariats techniques avec le ministère de la Santé via le Programme national de Lutte contre le Tabac. Des hôpitaux régionaux et internationaux comme l’hôpital psychiatrique de Dakar et le CHU de Bordeaux, qui nous apportent un soutien technique.

Quels sont les profils des personnes que vous accompagnez le plus souvent dans votre centre ?

Nous accompagnons principalement des ouvriers, des hôteliers, des policiers et des militaires, ainsi que des individus de divers milieux socio-professionnels touchés par l’alcoolisme.

Quelles stratégies utilisez-vous pour sensibiliser le public aux dangers de l’alcool ?

Nos stratégies reposent sur une approche polyvalente, combinant diverses méthodes telles que l’utilisation de médias traditionnels et numériques, l’organisation d’événements interactifs et sportifs, la promotion de la santé et du bien-être physique, ainsi que le déploiement de campagnes mobiles. Cette approche permet de toucher efficacement différents segments de la population en adaptant les canaux de communication à leurs intérêts et habitudes, assurant ainsi une sensibilisation optimale.

Quelles sont les perspectives d’évolution pour votre centre dans les prochaines années ?

Nous prévoyons d’utiliser de plus en plus les réseaux sociaux et les plateformes en ligne pour élargir notre portée et renforcer notre communication. Nous continuerons à collaborer avec des partenaires partageant notre vision pour atteindre nos objectifs communs.

Pouvez-vous partager des témoignages ou des études de cas qui illustrent le succès de vos interventions ?

Nous avons de nombreux témoignages de réussite, comme celui d’un individu ayant surmonté l’alcoolisme grâce à notre programme. Il a économisé de l’argent pour acheter un vélo et s’est ensuite inscrit à une formation en électricité. Il appelle son vélo “ma bouteille” pour symboliser son changement de vie.

Quels sont les besoins non satisfaits que vous avez identifiés dans la lutte contre l’alcoolisme et comment prévoyez-vous de les aborder ?

Nous avons identifié plusieurs besoins non satisfaits, notamment une meilleure application des régulations existantes; une plus grande sensibilisation aux dangers des boissons frelatées; une plus grande pression sur les autorités pour qu’elles renforcent les sanctions contre les violations des lois. Nous prévoyons de continuer à plaider pour ces changements et à collaborer avec les autorités pour assurer une meilleure application des régulations.

Propos recueillis par Zara Sakawa Abba-meï