Avant d’entamer les célébrations de la Toussaint ( ce 1er novembre) et des fidèles défunts ( 2 novembre), parents et amis se sont mobilisés pour nettoyer et/ou restaurer les tombes de leurs proches. 

Cimetière de Toukra. Sortie sud de N’Djamena. La route qui pénètre cet endroit vient d’être aménagée par la mairie centrale. Cependant, la poussière se soulève au passage incessant des engins à quatre ou deux roues. A leurs bords, l’on observe des proches des défunts, mines tristes, munis de leurs pelles, balais, râteaux et pioches. En cette matinée du 31 octobre, l’affluence contraste d’avec d’autres jours: c’est la veille des célébrations de la Toussaint ( Saints canonisés ou reconnus par Dieu) et des fidèles défunts ( en attente), deux fêtes de l’Église catholique.

« Ces fêtes sont dédiées aux défunts. Après le nettoyage, nous allons célébrer une messe avec eux. S’il y a les moyens, nous allons organiser une petite fête en leur mémoire », explique Dieudonné Arnaud, très ému d’avoir accompli une « obligation religieuse ». Auprès de lui, son cousin qui est chrétien protestant, a aussi quitté la maison à la première heure du jour.  « Nous avons nettoyé et arrosé deux tombes », se satisfait  Mbailassem Janvier, avant de monter aussitôt sur la moto.

Pendant qu’ils s’éclipsaient, Paterne remarque notre présence. «  Pour moi, cette fête devrait concerner les catholiques tout comme les protestants », commente-t-il, avant de situer l’objet de sa venue. « J’ai enterré plus de 5 de mes enfants ici. Je suis venu pour rendre leurs tombes propres (…) L’année passée avec la Covid-19, on n’a pas pu communier avec nos proches défunts », se rappelle-t-il. Une raison de plus pour ne pas rater cette occasion. « Je comptais aller à l’église mais il faut que je nettoie d’abord ces tombes ».

Une vue du cimetière de Toukra ce dimanche 31 octobre 2021

A quelques mètres de là, Djessissem Gauthier, au-delà du clivage entre chrétiens catholiques et protestants, voudrait ressentir la présence de ses parents décédés. «  J’ai nettoyé les concessions (rire) de mes frères et sœurs qui ne sont plus. Cela pour être en joie avec eux parce que ce n’est pas facile de se retrouver.  Nous avons aussi nettoyé les tombes de nos voisins défunts », compatit l’étudiant en histoire.

A peine arrivée au cimetière de Toukra, Louise N. se prépare déjà à aller puiser de l’eau pour arroser la tombe mise en bon état par ses frères. « Nous avons perdu papa, maman ( enterrés au cimetière de Ngonba) et notre benjamin », se souvient douloureusement la trentenaire.  « C’est la volonté de Dieu », se résigne-t-elle. « Nous lui (Dieu) demandons de continuer à nous protéger », implorent à l’unisson nos interlocuteurs.

« Depuis le vendredi, les gens font des va-et-vient pour nettoyer les tombes de leurs proches.  Ce que nous déplorons est que les gens mettent le feu partout », dénonce le gardien du cimetière de Toukra, Zakaria Zé. « Les gens viennent nombreux. Toutefois, l’affluence de l’année dernière est plus importante que celle-ci », renseigne-t-il.

Les herbes arrachées, les tombes détruites, reconstruites, les fidèles de ces confessions religieuses espèrent ainsi à travers ces actions « mettre à l’aise »  leurs proches défunts. «  Les morts ne sont pas morts », croient certains d’entre eux, qui n’hésitent pas à déposer des nourritures et boissons à côté des pierres tombales.