Secouée par une grave crise économique due à la chute continue des cours du pétrole en 2016, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) aura une mine moins grise cette année, les prévisions de reprise de croissance annoncées à l’issue du premier trimestre tendant à se confirmer, selon la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC).

“Les perspectives de croissance en 2018 et même en 2017 donnent des signes d’espoir que la situation se renforcera davantage”, rapporte le gouverneur de la banque centrale régionale, Abbas Mahamat Tolli.

Pour la deuxième fois depuis sa mise en place en 2014, le comité de stabilité financière en Afrique centrale s’est réuni mardi à Yaoundé, siège de la BEAC, une réunion ayant donné lieu à une évaluation de la situation économique régionale qui, à près de la fin du premier semestre, atteste du “redressement attendu de la croissance (…), de 0,2% en 2016 à 1,6% en 2017”.

Aux yeux de l’organe de surveillance macroéconomique présidé par le gouverneur de la BEAC, avec la participation des autorités nationales et régionales exerçant un rôle de surveillance, de régulation et de normalisation dans les domaines liés à la stabilité financière, cette évolution positive offre des “perspectives d’atténuation des risques”.

C’est aussi le résultat, ajoute-t-il, de la mise en œuvre du programme des réformes économiques et financières de la CEMAC, programme adopté lors d’un sommet extraordinaire des chefs d’Etat de cette organisation régionale tenu en décembre à Yaoundé afin de s’accorder sur des mesures visant à juguler la crise économique survenue dans la région après la chute brutale des cours du pétrole en 2014.

Excepté la République centrafricaine (RCA), la CEMAC est une organisation essentiellement composée de pays producteurs et exportateurs nets d’or noir. Parmi ces pays aussi, un seul, le Cameroun, aidé par son économie relativement diversifiée, s’est montré résilient avec un taux de croissance estimé de 5,9% en 2016, selon les autorités.

Sévère au Congo-Brazzaville, cette crise s’est révélée plus profonde en Guinée équatoriale, le principal producteur de pétrole de la zone plongé dans la récession, puis au Tchad.

Du coup, dans l’ensemble, la CEMAC a connu une conjoncture très difficile en 2016, marquée par une décélération de la croissance, une détérioration des termes de l’échange et une aggravation des déficits budgétaires et des soldes courants, résume le gouverneur de la BEAC.

Dans son analyse mardi, le comité de stabilité financière alerte que « la CEMAC demeure confrontée à de nombreux défis, liés pour la plupart aux effets de la faiblesse des cours des matières premières sur les finances publiques et au développement des nouveaux moyens de paiement », une allusion surtout au système électronique favorisé par des opérateurs de téléphonie mobile.

Sans autorisation formelle et échappant en réalité à tout contrôle, ce mécanisme redouté par les Etats comme un risque pour servir au financement du terrorisme qui menace certains d’entre eux (Cameroun et Tchad), s’est imposé dans le marché financier, obligeant les autorités à y répondre par un simple “encadrement” institutionnel, selon le propos du dirigeant de la banque centrale.

La banque centrale et la commissaire bancaire ont naturellement déjà des outils pour encadrer, donner des autorisations pour ce type d’activité, assurer le suivi. “Vous savez que c’est difficile aujourd’hui d’arrêter l’innovation. C’est un tournant très fort, si ça arrive, ça arrive”, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

Abbas Mahamat Tolli insiste toutefois sur la nécessité pour les régulateurs de prendre les dispositions utiles pour prévenir que les innovations technologiques n’induisent justement pas des comportements susceptibles de se révéler préjudiciables à la stabilité du système financier et aux aspects (…) qui sont notamment liés au financement du terrorisme et au blanchiment d’argent”.

En 2008, le secteur financier “embryonnaire” d’Afrique centrale s’était distingué en restant à l’abri des contrecoups de la crise des “subprimes” aux Etats-Unis, qui avait fortement ébranlé l’économie mondiale. Non connecté au système financier mondial, il s’est révélé résistant à la crise économique apparue dans la région en 2016.

“Aujourd’hui, notre secteur financier n’est pas menacé, il est encore solide, il montre des signes de résilience. Mais, la santé de manière globale reflète naturellement la conjoncture qui, elle, n’a pas été facile. L’activité au niveau des banques diminue, bien que quelque peu en croissance”, observe le dirigeant bancaire, estimant à 5% la diminution des portefeuilles des banques.

L’accumulation des “créances irrecouvrables” préoccupe aussi. “Du côté des assurances, ça va bien, mais les assurances ne représentent pas une portion importante du système financier de la CEMAC de façon plus globale, assure-t-il en outre.