(Paris) – C’est un combat qui dure depuis plusieurs décennies et qui est loin d’être gagné : lutter encore et toujours contre les mutilations génitales féminines, et notamment contre l’excision. Entre 100 et 150 millions de jeunes filles seraient concernées, principalement en Afrique, mais également en Europe.

On connaît les risques de tels actes mutilateurs. A très court terme : hémorragie, lésion des organes dits de voisinage (urètre, vagin, périnée, rectum…), infection, choc, douleur aiguë, décès… A plus long terme : rapports sexuels douloureux, désir sexuel affaibli voire supprimé, difficultés au cours des grossesses et des accouchements…

Dans cette lutte qui bouscule certaines traditions voire certaines croyances (en terres d’islam comme en terres chrétiennes), le vote de l’assemblée générale des Nations unies le 20 décembre 2012 donne un espoir à celles et ceux qui mènent ce dur combat. A l’unanimité des 193 membres de l’organisation, il a été voté et donc été décidé de dire « non » aux mutilations génitales féminines (pages 61 & 82 du document préparatoire). Un vote passé presque inaperçu, en raison notamment de l’adoption de la résolution 2085 par le Conseil de sécurité autorisant le déploiement d’une force internationale au Mali ce même 20 décembre.

Ainsi, l’Arabie saoudite, berceau de l’islam, a voté pour ce texte. Dans des pays comme ceux du Sahel, où l’excision est pratiquée – à tort – comme une prescription islamique, ce vote est une aide essentielle à celles et ceux qui combattent pour l’éradication de telles pratiques. Un vote dont devront tenir compte les chefs religieux et traditionnels.

L’un des points importants est notamment l’engagement de l’Assemblée générale envers les Etats à « soutenir, dans le cadre d’une approche globale de l’élimination des mutilations génitales féminines, les programmes associant les exciseuses traditionnelles à des projets locaux en vue de l’abandon de cette pratique, y compris, le cas échéant, en aidant les communautés où elles exercent à leur trouver d’autres moyens de subsistance » (page 65 du document préparatoire).

Car, au-delà de toute considération faussement religieuse voire morale, le métier d’exciseuse nourrit sa praticienne. Il faut donc penser à la reconversion « professionnelle » de ces femmes, souvent exciseuses de mère en fille. C’est à ce prix seulement que la pratique pourra diminuer et, qui sait, disparaître un jour.

Avec l’aide de la Banque mondiale, des micro-projets tels que des boutiques villageoises ont notamment vu le jour en Guinée, permettant aux praticiennes de poser leur couteau. En Afrique centrale, d’autres stratégie ont été développées pour circonscrire de façon significative la pratique dans certaines ethnies. Ainsi au Kenya, avec l’exemple des Maasaïs.

En Afrique de l’Ouest, certains pays comme le Mali n’ont toujours pas adopté une législation propre interdisant l’excision. Pire : en Gambie, le fruste despote Yahya Jammeh parle encore de « défense des traditions et de la culture ». Sur le continent, l’Egypte, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, la Sierra Leone et le Tchad se situent parmi les Etats à haute prévalence, dépassant parfois les 90 %, notamment à cause du faible écart (moins de 10 %) entre le nombre des mères et de leurs filles excisées.

Ce vote à l’unanimité ne doit pas cacher le fait que des pays ont voté en faveur de ce texte uniquement pour satisfaire les bailleurs de fonds, ne favorisant aucune initiative concrète d’abandon de l’excision sur le terrain. Un énorme chantier demeure.

Source : Le monde