YAOUNDE, 23 décembre (Xinhua) — Environ 10.000 ex-rebelles de la Séléka (au pouvoir) ont été désarmés suite au désarmement des groupes armés et des milices mené par l’armée française et les forces africaines de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA), annonce lundi matin le commandant de la gendarmerie nationale, le colonel Christian Narkoyo, joint à Bangui par Xinhua.

Ce chiffre représente « 95% des ex-combattants de la Séléka » regroupés dans des sites de cantonnement en vue notamment du dé sarmement devant être suivi de la réinsertion socioprofessionnelle, rapporte le responsable sécuritaire connu auparavant comme le porte-parole militaire de l’ex-coalition rebelle qui s’est emparée du pouvoir le 24 mars à Bangui.

Dans la capitale centrafricaine, six sites de cantonnement sont annoncés. « Ceux (ex-rebelles) qui sont en détachement dans les provinces, décrit l’ex-gendarme de deuxième classe ayant acquis ses galons de colonel dans la rébellion, seront cantonnés l à où ils se trouvent. C’est aussi sur place qu’ils recevront leur formation » pour la réinsertion socioprofessionnelle qui prévoit l’ incorporation d’une partie des démobilisés dans l’armée et la reconversion de l’autre partie dans la vie civile.

Une organisation hétéroclite de plusieurs mouvements rebelles, la Séléka (alliance en sango, la langue vernaculaire) constituée aux deux tiers de mercenaires tchadiens et soudanais n’arrive pas à déterminer elle-même le nombre de ses éléments. Rejointe par des milliers de bandits et de repris de justice libérés de prison au moment de l’offensive de l’ex-rébellion contre le régime de Franç ois Bozizé, elle aurait vu ses effectifs gonfler entre 20.000 et 25.000 lors de sa prise du pouvoir, selon les estimations.

Avant l’installation officielle de l’opération française Sangaris le 5 décembre à Bangui et de la MISCA le 19 décembre, quelque 5.000 de ces combattants recevaient déjà deux mois leur formation pour l’incorporation au sein de nouvelles Forces armées centrafricaines (FACA) en composition, avait annoncé auparavant le colonel Narkoyo.

La semaine dernière, la force africaine avait plutôt fait état du désarmement de quelque 7.000 ex-rebelles. « Avec les forces africaines, il n’y a pas de problème. Elles ont vraiment montré leur neutralité. C’est la différence avec les Français qui apparaissent comme les complices des anti-Balakas. La présence des forces françaises ne va rien changer. Au contraire, ça va empirer les choses », commente Narkoyo au lendemain d’une manifestation d’ un millier de personnes contre l’armée française dimanche à Bangui.

Une initiative de populations musulmanes qui dénoncent le « parti pris » de cette armée qui, selon celles-ci, d’être avec les ex-rebelles dont ils sont accusés d’être complices, les principales victimes des attaques des milices anti-Balakas et d’un conflit interreligieux soudain avec leurs compatriotes chrétiens plus nombreux en Centrafrique (près de 90% de la population), cette manifestation a aussi mobilisé certains de ces derniers, à en croire le patron de la gendarmerie nationale.

« Depuis l’arrivée des Français, 45 ex-combattants Séléka ont été tués. Après avoir désarmé une personne, ils l’abandonnent à son sort sans assurer sa sécurité. La situation est catastrophique. Chaque jour, il y a des violences, une vingtaine voire une quarantaine de morts. Cette nuit, on a tué encore cinq personnes à Bangui, des proches des ex-Séléka », rapporte-t-il.

Avec la police, Christian Narkoyo et ses unités sont interdits de patrouilles à Bangui depuis le 16 décembre par la force franç aise qui aux premiers jours de son déploiement avait perdu deux jeunes parachutistes dans un accrochage violent avec des hommes armés. « La tension est très vive. On croyait que les Français venaient nous sauver, ils ont aggravé la situation, on ne sait comment la résoudre», se lamente l’ancien dirigeant rebelle.

Pourchassés aujourd’hui par les anti-Balakas (anti-machettes), ces fameux groupes d’autodéfense villageois créés sous le régime de François Bozizé (mars 2003-mars 2013) pour lutter contre les coupeurs de route, les ex-Séléka se sont eux-mêmes illustrés depuis leur prise du pouvoir par diverses exactions (massacres, ex écutions sommaires, viols, enlèvements) et des pillages contre la population.

Depuis la nouvelle escalade de violences déclenchée le 5 dé cembre à Bangui suite à une attaque de ces milices et d’ex- militaires déclarés tous fidèles au président déchu, l’Ong internationale Amnesty International dénombre un millier de morts, un décompte qui vient alourdir le bilan du chaos sécuritaire et humanitaire dans lequel est plongée la Centrafrique, ex-colonie française.

Saluée au départ comme un espoir de sortie de crise, l’ intervention française est rejetée aujourd’hui par une partie de la population, de la même manière que l’armée tchadienne ayant aid é à l’arrivée au pouvoir de Michel Djotodia, ci-devant président par intérim, et son ex-coalition rebelle.

Une autre source proche de la Séléka affirme cependant que « la marche de dimanche à Bangui est l’oeuvre de ceux qui refusent de désarmer ». « Le conflit qui se passe maintenant, ce n’est pas contre les musulmans. C’est l’attitude des soldats tchadiens qui est dénoncée. Depuis six à sept mois, ce sont eux qui orchestraient les violences dans les quartiers de Bangui », a-t- elle indiqué sous couvert d’anonymat à Xinhua.

Cette source révèle toutefois qu’« il y a des gens de la Séléka qui ont rejoint les anti-Balakas » et dénonce par ailleurs « l’ islamisation au sein de l’armée », ainsi que les menaces de création d’un Etat musulman au Nord exprimées en marge de la manifestation anti-française à Bangui.