YAOUNDE, 3 juillet (Xinhua) — Le président français François Hollande est arrivé vendredi en fin d’après-midi à Yaoundé pour une visite d’Etat de quelques heures, la première d’un président français depuis 14 ans comportant au menu un tête-à-tête avec son homologue Paul Biya pour des discussions sur la lutte contre Boko Haram et l’économie avec la signature de plusieurs accords de coopération, selon diverses sources.

En provenance de Luanda en Angola dans le prolongement d’une mini-tournée africaine entamée la veille à Cotonou au Bénin, l’ avion transportant le chef de l’Etat français a atterri à l’ aéroport international de Yaoundé-Nsimalen aux environs de 17H20 locales (16H20 GMT), soit trente minutes de plus que l’heure prévue par l’agenda officiel publié par la présidence camerounaise.

Il est accompagné d’une forte délégation comprenant des hommes d’affaires et des parlementaires, avec lesquels des rencontres sont programmées avec des personnages camerounais identifiés dans les mêmes domaines.

Parmi les membres de cette délégation, l’on signale la présence de Vincent Bolloré, patron d’un important groupe d’entreprises dont l’une d’elles, Bolloré Africa Logistics, déjà acquéreur des droits de gestion de nombreuses infrastructures similaires en Afrique, est à la conquête du marché de mise en concession du terminal à conteneurs du port en eau profonde de Kribi.

Pour cette opération, elle s’est liée pour former un consortium à son compatriote et armateur CMA/CGM et à l’entreprise chinoise China Harbour Engineering Company (CHEC), chargée de l’exécution de ce projet doté d’un financement de 207,7 milliards de francs CFA (415,4 millions de dollars) d’Exim Bank de Chine sur un total de 240 milliards (480 millions de dollars).

“Ce dossier est déjà clos, il est sur la table du chef [de l’ Etat]depuis un mois”, a confié à Xinhua une source proche du dossier.

En pole position, Vincent Bolloré ne manque cependant pas de se faire du souci, tant le pouvoir de Yaoundé tarde à se prononcer sur le choix du concessionnaire du port, pour lequel Necotrans, une autre entreprise française dont le patron Gregory Quérel est aussi annoncé dans la suite du numéro un français, sollicite quant à elle le marché de mise en concession du terminal polyvalent.

A en croire certaines indiscrétions au sein du pouvoir camerounais,ces dossiers sont débattus lors d’un tête-à-tête d’une heure prévu entre François Hollande et son homologue Paul Biya au palais de l’Unité, principale attraction de cette visite d’Etat, la première d’un président français depuis la participation de Jacques Chirac lors du sommet France-Afrique tenu en janvier 2001 à Yaoundé.

Au même moment, des rencontres auront lieu entre hommes d’ affaires français et camerounais. C’est dire la place centrale que l’économie occupe lors de cet événement qui aux yeux des autorités camerounaises constitue une nouvelle étape significative dans les relations entre le Cameroun et la France.

L’enjeu réside dans la démarche de la France de reconquête d’un marché où elle perd de plus en plus du terrain, au profit d’autres partenaires étrangers sollicités par le gouvernement camerounais dans sa quête de diversification des sources de financement de ses programmes de développement socioéconomique.

C’est le cas de la Chine, principal partenaire commercial de l’ Afrique depuis 2012 qui occupe devant la France le rang de premier client du Cameroun. Même si les investissements de l’Agence française de développement (AFD) restent importants, portés aujourd’hui à un volume de 1.534 milliards de francs CFA (3,068 milliards de dollars).

Deuxième client de la France en Afrique centrale après le Gabon et deuxième fournisseur après le Congo, le Cameroun a pourtant d’ abord été ignoré de l’agenda de visites de François Hollande en Afrique,après son prédécesseur Nicolas Sarkozy.

Or, de l’avis des spécialistes, la France ne pouvait pas se faire payer de continuer de tourner le dos à ce partenaire historique. “D’abord, parce que le Cameroun est disputé comme l’ ensemble des pays d’Afrique et la France a des problèmes comme l’ ensemble des pays d’Europe”, a analysé à Xinhua le géostratège Joseph Vincent Ntuda Ebodé.

“En outre, a ajouté le chef du Centre de recherches et d’études politiques et stratégiques de l’Université de Yaoundé II, la France partage avec le Cameroun des relations basées sur le sentiment et la raison. Sur le plan du sentiment, la libération de la France lors de la seconde guerre mondiale est portée depuis Douala, premier bastion de soutien des tirailleurs”.

A cela s’ajoute une alliance dans le domaine de la défense. “Il y a des engagements mutuels. La France est le pays qui a convoqué la conférence de Paris sur Boko Haram. Elle est donc tenue moralement de soutenir tous les Etats qui se sont lancés dans la lutte contre ce groupe terroriste. Il ne faut pas oublier qu’elle fait elle-même aussi fait face au terrorisme”, observe encore l’ universitaire.

Actualité oblige donc, lors de leur entrevue, les deux dirigeants auront aussi l’occasion d’échanger leurs points de vue dans le domaine de la sécurité, notamment en matière de lutte contre le groupe terroriste nigérian Boko Haram, que le Cameroun et d’autres pays voisins tels le Tchad tentent de repousser de leurs territoires, une action où le rôle de la France est jugé capital.

“Il y aura un niveau d’alerte encore plus élevé, non seulement pour ce qui concerne la gestion de la question de Boko Haram, mais aussi en ce qui concerne l’insécurité dans l’espace oriental affecté par la crise en République centrafricaine. Il vient finaliser un certain nombre de documents pour lesquels les décisions seront prises bientôt”, conclut le Pr. Ntuda Ebodé.

François Hollande visite le Cameroun pour une durée d’environ six heures, jusqu’à 23H20 locales, d’après le programme officiel. Quatre accords de coopération d’un montant de 76 milliards de francs CFA (150 millions de dollars) seront signés.