Menacé par les rebelles qui campent à 70 kilomètres de Bangui, le président centrafricain refuse de céder le pouvoir.

Le Palais de la Renaissance, cœur du pouvoir centrafricain, n’a que rarement mérité son nom. Mardi, ce bâtiment néostalinien a pourtant semblé inspirer François Bozizé. Le président, que l’on disait abattu depuis le déclenchement de l’attaque rebelle sur la capitale le 10 décembre, est apparu ragaillardi. Alors que des négociations s’ouvrent mercredi à Libreville entre le pouvoir et les rebelles de la Séléka, il semble de moins en moins enclin à des concessions.

Quand les chefs de la rébellion, dont les troupes campent à 70 kilomètres de Bangui, demandent sa démission, le président oppose un net refus. «Cette question est le langage de tout hors-la-loi. Quelqu’un qui respecte la Constitution ne pourrait pas poser une question pareille. J’ai été élu à double reprise à plus de 70 %. Je suis là et c’est tout.» Le seul point sur lequel il semble prêt à céder est la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. «Je crois que déjà c’est une concession d’une grande importance. Je ne vois pas ce que l’on pourrait me demander de plus.» La dissolution de l’Assemblée nationale dominée par le parti au pouvoir, que plusieurs chancelleries réclament discrètement comme signe d’apaisement, est, elle aussi, écarté. «Pourquoi dissoudre l’Assemblée et déchiqueter la Constitution?»

L’argent et l’islam

Le président n’envisage cependant pas de boycotter le sommet de Libreville. «Nous allons écouter. Je n’ai pas peur. J’ai l’habitude. Nous allons à Libreville pour défendre la démocratie. Il faut que les rebelles respectent les décisions du sommet de N’Djamena (Le 26 décembre dernier) qui leur demandaient de repartir à leur position de départ.» Cette fermeté affichée n’est pas surprenante.

À mesure que s’éloigne le risque de voir les rebelles déferler sur le palais, François Bozizé et les siens ont durci le ton. «C’est que des étrangers terroristes agressent le pouvoir centrafricain. Ce sont des mercenaires qui pillent et violent. Ils ont même pillé la station Total de Bambari.» Le président reprend les accusations portées contre la Séléka, un ensemble hétéroclite de vieux mouvements rebelles auquel son entourage prête des visées islamistes.

«Selon les bribes d’informations que nous avons, c’est quelque chose comme ça. Je ne voudrais pas avancer des choses à la légère mais il y a un risque de querelles religieuses dans ce qui se dessine derrière la Séléka. Il a des Djandjawids (mouvement arabe du Darfour au Soudan, NDLR), des gens qui ne parlent ni sango ni français parmi eux. Des gens qui viendraient même au-delà des frontières des pays limitrophes.» Sur cette théorie d’un complot contre son pays, François Bozizé n’en dira pas plus. Pas plus qu’il ne reprendra les attaques contre les pays du Golfe, soupçonnés par ses proches de financer l’ennemi. «C’est un mélange de tout. Il y a aussi des hommes d’affaires qui ont financé cette rébellion.»

L’argent et l’islam

L’argent et l’islam seraient, à l’entendre, à l’origine de tout. «Il y a l’odeur du pétrole et tout ce qui est rattaché à la religion. Si on nous laissait tranquille, d’ici moins d’une année notre pétrole devrait jaillir comme au Tchad ou au Gabon.» Que la présence de brut en quantité soit loin d’être prouvée en Centrafrique ne semble pas déranger François Bozizé… Il n’entend en fait rien lâcher, car il se sent en position de force. Le déploiement de 760 soldats des pays de la région a permis de stopper l’offensive de la Séléka alors que l’armée centrafricaine était en pleine déroute. L’arrivée de 400 soldats sud-africains a, pour lui, inversé le rapport de force. Pretoria n’a pas vraiment expliqué les raisons de ce débarquement musclé. Mais Bozizé veut y voir un soutien clair.

«L’Union africaine a, dans certaines de ses dispositions, des mesures pour combattre la prise de pouvoir par la violence. C’est dans ce sens que l’Afrique entière s’est mobilisée, et l’Afrique du Sud, pour faire barrage à toutes velléités de renverser un pouvoir démocratiquement élu.» Le président se défend par ailleurs d’avoir brocardé ses anciens alliés, à commencer par la France. «Je n’ai pas mis en cause la France. Quand nous parlons de la France en Centrafrique, c’est notre partenaire de toujours qui a été à nos côtés dans les moments difficiles.»

Paradoxalement, le président Bozizé ne semble guère optimiste pour l’avenir, comme s’il était déjà décidé à faire de la réunion de Libreville un épisode de plus dans la succession de guerres et de pourparlers qui émaillent l’histoire du pays. «Dans un pays pauvre comme la République centrafricaine, dire que c’est la dernière fois… À moins qu’il n’y ait une contribution massive de la communauté internationale pour résoudre les problèmes qui se posent, il sera dur de freiner cette évolution. C’est la pauvreté, le fond du problème.»

 

Source : Le Figaro