YAOUNDE, 5 mars (Xinhua) — Recevant en visite mercredi à N’ Djamena son homologue du Niger Mahamadou Issoufou dont le pays est aussi affecté par les activités terroristes de la secte islamiste, le président tchadien Idriss Deby Itno a menacé de tuer Abubakar Shekau,le leader de Boko Haram déclaré au dos au mur avec son organisation face à la progression au Nigeria de l’armée tchadienne. Conforté par la reprise aux mains des islamistes la veille au terme de violents combats de la ville de Dikwa dans le Nord-est du Nigeria,fief de l’organisation, après celle de Gambaru dans la même région un mois auparavant, le chef de l’Etat tchadien s’ estime dans un compte à rebours dans la guerre engagée aux côtés du Cameroun en mi-janvier puis du Niger peu après contre Boko Haram. C’est une présentation d’une action militaire où les rapports de terrain se veulent plus démonstratifs, comme en témoigne celui par lequel, de retour de Dikwa, le colonel Azem Bermendoa Agouna,porte- parole de l’armée tchadienne, a annoncé sans ambages dans un entretien téléphonique mercredi à Xinhua que “la peur a changé de camp. Boko Haram est dos au mur, face à l’armée tchadienne”. Pour l’officier journaliste pour qui l’intervention à Dikwa a laissé la place à une ville fantôme, désertée par la population, les progrès accomplis par l’armée tchadienne sont notables dans l’ atteinte de l’objectif consistant à réduire à sa plus expression la secte islamiste nigériane, considérée comme l’organisation terroriste la plus barbare au monde.

“On ne peut pas compter le nombre de morts. Il n’y a rien à donner comme bilan, c’est des centaines de morts. On a perdu un soldat et on a aussi eu 34 blessés, suite à l’explosion de bonbonnes de gaz par des kamikazes”, a-t-il déclaré concernant cette nouvelle mise en déroute de Boko Haram, ajoutée à plusieurs autres vécues depuis 2014 au Cameroun, de la part de la propre armée de ce pays. Après Dikwa, où le président Idriss Deby Itno annonce avoir eu les traces d’Abubakar Shekau deux jours plus tôt, les forces tchadiennes,qui déclarent l’ennemi “encerclé”, se rêvent maintenant d’écraser la secte islamiste dans sa base stratégique de Bama.

“C’est le début de la fin”, soutient un autre responsable militaire tchadien au moment où, mis à part le massacre de villageois mardi à Kerawa, une localité de l’Extrême-Nord frontalière du Nigeria devenue quasi inaccessible à cause des mines antipersonnel posées par les présumés jihadistes, une relative accalmie est observée au Cameroun depuis la dernière attaque enregistrée à Waza le 16 février.

C’était le jour même où le président camerounais Paul Biya se réunissait à Yaoundé avec d’autres dirigeants du Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale (COPAX) dans le cadre d’un sommet extraordinaire ayant décidé le déblocage d’une aide d’ urgence de 50 milliards de francs CFA (100 millions de dollars) pour soutenir le Cameroun et le Tchad dans cette lutte.

Deux semaines auparavant, sous l’égide de l’Union africaine (UA) ,les pays membres de la Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT) dont le Cameroun et le Tchad font partie, s’étaient mis d’accord pour l’opérationnalisation d’une force régionale de 8.700 hommes, sous mandat des Nations Unies.

En attendant la mise en place effective de cette force, cette décision est saluée une étape décisive dans les efforts menés pour éradiquer Boko Haram. “Le combat contre Boko Haram, en tant que groupe terroriste, va durer. Mais, l’entrée en lutte de cette force va amoindrir ses capacités d’opération conventionnelle”, estime cependant le géostratège camerounais Joseph Vincent Ntuda Ebodé.

“Bien évidemment que des progrès sont réalisés. La coalition Cameroun-Tchad à l’Est du Nigeria, du Nigeria lui-même à l’Ouest et au Sud et du Niger au Nord encercle les activistes de Boko Haram qui cherchent désormais les voies de ravitaillement, de recrutement et de repos. Cela donne un peu d’accalmie à nos forces. Mais, l’alerte reste au maximum”, a analysé l’universitaire à Xinhua.

Cette mobilisation d’efforts s’imposait bien, dans la mesure où en cinq ans depuis 2009, soit 7 ans après son apparition en 2002, les exactions commises par Boko Haram, également acculée après un sursaut de réveil des forces nigérianes, ont causé plus de 13.000 morts en majorité des civils dans le seul territoire nigérian, selon Amnesty International.

De sources sécuritaires camerounaises, le groupe armé, lourdement équipé en armement sophistiqué, compterait parmi ses combattants, des jihadistes touaregs maliens du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), des ex-insurgés libyens y compris des rebelles soudanais.

En plus des succès de son armée sur la secte, le Cameroun se réjouit à son tour d’avoir rallié à sa cause la communauté internationale, de sorte que “pour la première fois depuis longtemps, l’Allemagne a fait un don d’équipement militaire au Cameroun et que le discours du chef de mission allemand qui a ponctué cette cérémonie portait au-delà du Cameroun”, note le Pr. Ntuda Ebodé.

“On sait aussi que pendant toute cette période, précise-t-il en outre, Américains, Chinois, Russes, Tchadiens.. sont restés aux côtés du Cameroun. Mais la plus importante dynamique aura été à mon sens la mobilisation sous-régionale, avec l’activation du Pacte d’assistance mutuelle de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale)”. En visite le 28 février à Yaoundé en provenance de N’Djamena dans le cadre d’une mini-tournée comprenant par ailleurs Niamey, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a fait part du soutien de son pays, qu’une certaine opinion publique camerounaise accuse, sans fournir de preuves, de jouer un rôle de sous-marin dansles tentatives de déstabilisation du Cameroun de Boko Haram. Mais en annonçant que c’est Paris qui défendra au Conseil de sécurité de l’ONU le projet d’opérationnalisation de la force de la Commission du Bassin du lac Tchad, le chef de la diplomatique française faisait prévaloir une démarche diplomatique consistant à montrer que la France s’intéresse à ce dossier, de l’avis du géostratège. Or, explique ce spécialiste des relations internationales, “la réalité est que c’est à l’Union africaine que la Commission du Bassin du lac Tchad transmet le dossier et cette dernière le transmet au secrétariat de l’ONU. La France intervient comme tous les autres membres du Conseil de sécurité lors de l’examen du dossier où elle ne peut être seule, ni à le défendre, ni à le combattre”. Cet examen encore non programmé représente un moment crucial pour le vote d’une résolution nécessaire à la création effective de la future force et la mobilisation des ressources pour son financement, prévu d’être en partie levé auprès des partenaires extérieurs du continent.